Mobilité alternative

En tongs ou en costume

d'Lëtzebuerger Land vom 30.01.2015

Leur rencontre est un de ces hasards qu’on ne croit possibles que dans les séries de télévision à deux balles : Lorsque Richard Schmid, qui travaille dans l’aide au développement, revient en 2006 au Luxembourg d’un séjour de deux ans au Laos « où je ne roulais qu’avec ma vieille Vespa de 1968 », il a besoin d’une nouvelle fourche et cherche sur Internet. Il en trouve une… au Luxembourg. Le vendeur est Laurent Mailliet, vespiste passionné et président du Vespa Club Minette (qui deviendra le Vespa Club Luxembourg en 2011). « J’avais reçu ma première Vespa de mon père, il y a plus de vingt ans, raconte Laurent Mailliet. Il avait une Lambretta, je voulais une 50 cm3, il m’a offert ça. Puis j’ai fait une pause de quinze ans, j’ai roulé en voiture ou en moto grosse cylindrée, jusqu’à ce que je retrouve la même Vespa que celle de ma jeunesse – en orange en plus ! – sur ebay ; je suis allé la chercher jusqu’en Allemagne. Depuis, je n’arrête plus, j’achète, je revends, je répare : j’en ai neuf aujourd’hui. » Laurent Mailliet travaille dans l’aviation au Findel et fait son trajet professionnel quotidien du Sud du pays en Vespa, qui lui fait gagner de plus en plus de temps par rapport aux automobilistes – parce qu’en mobylette, on peut couper les files d’attente.

Lancée en Italie en 1946 par Piaggio, ancien constructeur d’avions auquel cette activité fut interdite après la guerre, et nommée « Vespa » pour la forme de guêpe de son premier modèle, le scooter italien, immédiatement associé dans l’imaginaire collectif au dolce vita et à la convivialité, est de plus en plus populaire au Luxembourg. Des politiciens citadins et branchés roulent avec, comme Corinne Cahen, l’actuelle ministre libérale de la Famille, le député socialiste Marc Angel ou l’ancien ministre CSV de la Coopération Jean-Louis Schiltz, qu’on a jadis vu arriver aux discussions de coalition en Vespa. Au cinéma, le réalisateur de Mammejong Jacques Molitor fait rouler Myriam Muller et Max Thommes en Vespa, tout comme Andy Bausch affectionne cette moto ludique et rigolote, on se souvient notamment d’une scène désopilante dans Le club des chômeurs d’une gang de la Minette qui avait l’air nettement moins dangereux une fois que ses membres enfourchaient leurs engins… des Vespa !

« C’est une moto un peu Mickey, ses formes sympathiques attirent les regards », estime aussi Richard Schmid. Une fois par an, le Vespa Club Luxembourg (qui compte 110 membres, dont 35 femmes, ayant entre seize et 78 ans, tous métiers et classes sociales confondus) organise ses Vespa Days, ce sera les 18 et 19 juillet cette année, qui consistent surtout en une grande rencontre de vespistes, ils sont autour de 250 venus de tous les pays, avec un tour du pays en moto. « Les gens nous regardent tous quand nous passons, surtout les enfants, ils nous prennent en photo », raconte Richard Schmid, qui apprécie le fait que la vitesse des scooters, surtout des anciens modèles, étant limitée, le conducteur a plus de temps pour contempler le paysage, visiter véritablement les villes et villages qu’il traverse.

À côté de cette activité de loisirs que sont les rencontres et les excursions du club, la Vespa, dont il existe des modèles de 50 à 500 cm3, avec une fourchette des prix allant de 1 200 à 8 300 euros (jusqu’à 25 pour cent plus chers que les concurrents du même segment, estime Laurent Mailliet, la marque profitant de son image sympathique), la Vespa devient surtout de plus en plus populaire pour des raisons de mobilité. Individuelle, disposant d’espace de stockage assez conséquent (notamment sous le siège), elle s’enfourche rapidement et se conduit facilement. « La prise en main est extrêmement simple, d’après Laurent Mailliet, une Vespa, tu apprends à la conduire en cinq minutes. Et puis, t’as jamais l’air ringard, tu peux la conduire en tongs ou en costume, tu n’es jamais ridicule ! » Après une période difficile, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, Piaggio a pu reconquérir les marchés en misant justement sur son italianité, ce côté léger, insouciant, et en développant des modèles avec un look nostalgique. Au début des années 2000, son marché s’est beaucoup féminisé, en raccord avec sa première clientèle : les Romaines faisant le marché en jolies robes fleuries, un panier en osier entre les pieds.

Pour Richard Schmid, qui habite un quartier un peu excentré de la capitale, il est évident que, lorsqu’il a le choix entre prendre le bus, le vélo ou la mobylette, il se décide presque toujours pour la Vespa. « Parce qu’elle me permet d’être indépendant et rapide, je peux la garer où je veux, dépasser tout le monde… Même lorsque je constate, à midi et demi, qu’il me manque encore quelque chose, je suis au marché avant sa fermeture. » Si, au Vietnam, il a aussi connu les embouteillages de scooters, il constate qu’au Luxembourg, les automobilistes sont de plus en plus respectueux des motocyclistes, ne les gênent plus comme jadis, mais, au contraire, les laissent passer dans les embouteillages. Aujourd’hui, on roule en Vespa toute l’année. « Tu peux mettre un costard dessus et rouler en automne ou sous la pluie », affirme aussi Laurent Mailliet, qui ne laisse son scooter au garage que s’il y a de la neige ou du verglas.

josée hansen
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