L’abstraction de Peter Zimmermann et la figuration de Nuno Lorena à la galerie Nosbaum Reding : la technique date-t-elle un peintre ?

En couches et au trait

d'Lëtzebuerger Land du 09.04.2021

Voici près de dix ans que Peter Zimmermann a exposé pour la première fois chez Nosbaum Reding. Le procédé utilisé est toujours identique depuis : des plages d’époxy miroitantes coulées, le plus souvent sur des grands jusqu’à des très grands formats de toile. Nosbaum Reding présente l’exercice pour la quatrième fois. Depuis 2012, on a pu voir des toiles presque monochromes, puis il y a eu une période plus « coulures » et une autre presque « bonbons »… On sait la technique : retravailler sur ordinateur des images jusqu’à les rendre totalement non reconnaissables, puis, après avoir projeté le motif en rétroprojection sur la toile, décliner, dans des surfaces d’époxy brillantes, des motifs abstraits. Layer on Layer, cela peut être des tranches de couches juxtaposées, monochromes, des carrés qui s’interpénètrent. Les couleurs peuvent être complémentaires chaudes et froides (bleu et rouge), des surfaces d’une même couleur se superposer en des motifs concentriques de plus en plus petits (bleu, vert profond). Il peut aussi résulter des effets comme en trompe l’œil (rose et bleu), simulant des profondeurs sidérales (rouge et rouge, vert et vert)…

Peter Zimmermann a donné aux œuvres de cette série des titres comme Abyss, une toile uniquement composée de bleus presque identiques. On peut imaginer y perdre son regard dans une immensité aquatique, dans Song, des couleurs se suivent telles des notes sur une partition faisant des orange, bleu, rouge et des accents de vert, une musique visuelle. Il y a aussi cette pièce appelée Sans titre, en plages de vert et un tout petit peu de jaune en bordure. Mais la force de cette pièce réside dans deux petits espaces, en haut et en bas, où il n’y a que la toile, blanche. Zimmermann, 65 ans désormais, atteint le stade mature de son art, avec ses jeux de transparences, de profondeurs de champ, la maîtrise du brillant de l’époxy qui crée des formes organiques, des juxtapositions et des superpositions totalement maîtrisées. À tel point que, Zimmermann, tout en utilisant des techniques contemporaines qui peuvent paraître totalement à l’opposé, se rapproche du geste immémorial de la calligraphie japonaise. Et aussi, ne jetterait-il pas un pont vers Monet et sa recherche entêtée de la lumière dans les coups de pinceaux des Nymphéas ?

Dans l’espace Projects, Alex Reding montre pour la première fois un ensemble monographique de Nuno Lorena (né en 1966 à Lisbonne). C’est le résultat d’un travail minutieux, apparemment réaliste : voici une collection de papillons, fragiles et délicats, présentés en un accrochage semblable à celui des entomologistes, qui épinglaient eux aussi les coléoptères par série (Butterfly series). Sauf que du temps des découvertes et de l’observation des espèces, on est passé à celui de leur disparition et Nuno Lorena dessine d’après des photographies.

De ses représentations du roi des oiseaux, l’aigle, dans toutes les configurations de ses ailes déployées en vol de chasse, Nuno Lorena dit, qu’il est « fasciné par ce qu’on peut faire avec un outil aussi primitif que le fusain ». L’œil perçant et implacable du grand rapace, Eyes (détail), peints cette fois à l‘huile sur papier, révèlent que Nuno Lorena a lui le regard d’un peintre contemporain.

L’exposition monographique de Nuno Lorena, est à voir à l’Espace Projets de la galerie Nosbaum Reding, jusqu’au 17 avril prochain. Layer on Layer, de Peter Zimmerman, à la Gallery, dure jusqu’au 24 avril. Galerie Nosbaum Reding, 2-4 rue Wiltheim, Luxembourg

Marianne Brausch
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