Les plans 401(k)

L’autruche va droit dans le mur

d'Lëtzebuerger Land vom 18.11.2010

Il y a de ces sujets qu’il est presque impossible d’aborder sans générer de réactions épidermiques : les retraites en sont un excellent exemple. Rien qu’à suivre les débats récents en France pour se rendre compte de l’explosivité du sujet et de sa politisation. Proposer de travailler plus longtemps : rien de mieux pour faire descendre les foules dans la rue. Mettre en doute la viabilité du régime actuel de pensions étatiques pilier I Pay-as-you-go : la classe politique entière monte au créneau pour crier au crime de lèse-majesté : on a osé mettre en doute leur bonne parole (électorale). Alors que d’aucuns osent avouer que nous allons droit dans le mur, nous avons une certaine tendance à vouloir faire la politique de l’autruche. Également et surtout au Luxem­bourg, où la Rentemauer croît d’année en année, au point que des statistiques européennes nous prédisent d’être à la tête du hit-parade des problèmes à long terme. Mais comme dit l’autre, à long terme nous sommes tous morts, à court terme rééligibles.

Et pourtant : des exemples étrangers démontrent que des modèles alternatifs peuvent exister et que des changements peuvent s’opérer sans trop de douleurs, du moment qu’ils sont mis en place à temps. Ainsi, en 1980, le Chile (sous Pinochet) autorisa que les contributions obligatoires au système de pension puissent être versées à un fonds de pension privé au lieu du système de pension étatique mourant. Aujourd’hui, trente ans plus tard, le système existe toujours et la quasi-totalité des employés ont choisi le privé plutôt que le public.

Sans préconiser des mesures aussi radicales, une réflexion sur les mesures à mettre en œuvre afin de permettre le maintien de pensions viables et adéquates s’impose en Europe et une première étape a été franchie ce lundi 15 novembre avec la clôture de la consultation lancée par la Commission européenne au mois de juillet via la publication de son Livre vert intitulé Vers des systèmes de retraite adéquats, viables et sûrs en Europe1 (lire en pages 4-5).

Un des points soulevés par la Com­mission européenne dans son Livre vert est qu’il pourrait, dans un avenir proche, « s’avérer nécessaire d’envisager des sources de revenus de retraite ne se limitant pas aux pensions ».

La baisse des taux de remplacement des retraites publiques apparaît en effet inéluctable ; et l’équilibre entre les différents piliers2, régimes par répartition, régimes professionnels et épargne retraite personnelle, semble voué à évoluer, la diminution des prestations du premier pilier ayant pour corollaire l’essor des deuxième et troisième piliers.

Une des pistes à explorer pour encourager le développement de l’épargne retraite est celle des plans 401(k) américains, dont se rapprochent le plan d’épargne collectif (Perco) et le plan d’épargne en entreprise (PEE) français.

Les plans 401(k) sont des plans d’épargne salariaux plutôt que de véritables régimes de retraite dont la création remonte au Revenue Act de 1978. Ils tiennent leur nom de la section du code fiscal américain les instituant, telle que modifiée par le Pension Protection Act 2006.

Cette disposition de l’Internal Revenue Code permet à un salarié de verser une fraction de son salaire, qui est alors placée dans un plan de retraite. Les versements du salarié sont plafonnés. Les sommes versées par le salarié peuvent faire l’objet d’un abondement de l’employeur, également plafonné, en espèces ou en titres. L’abondement de l’employeur est déductible de son résultat.

Dans le cadre du 401(k) « classique », les versements des salariés sont déduits de leur revenu avant imposition. La taxation s’opère à la sortie, lors du paiement du capital. Si le salarié est âgé de 59,5 ans ou plus, celui-ci bénéficie d’une imposition favorable sur le capital.

À l’inverse, dans le cadre du Roth 401(k), les versements des salariés sont effectués après prélèvement de l’impôt sur le revenu, et le paiement du capital à la sortie est exempté d’impôt. La participation du salarié est facultative, il est libre de décider de son taux de cotisation et assume les choix et risques des placements financiers parmi les différentes options qui lui sont proposées par son employeur. Son plan 401(k) est portable en cas de changement d’employeur.

Une gestion saine et efficace de leur plan d’épargne retraite par le salarié, impliquant une diversification des actifs investis, peut être favorisée grâ-ce à l’amélioration de l’information et de l’éducation financière. Doit-il choisir d’épargner ou non, vers quel type d’épargne doit-il s’orienter, individuelle ou collective, sur quelle durée, à travers quels instruments doit-il investir : autant de questions auxquelles le salarié peut répondre de façon inappropriée en optant pour des investissements trop ou pas assez risqués ou ne pas répondre en préférant ne pas épargner. Il est donc nécessaire de donner au salarié les outils lui permettant d’aborder et de répondre de façon adéquate à ces questions.

Il est aussi envisageable de mettre en place une option d’investissement par défaut, qui libérerait le salarié qui le souhaite de la responsabilité de réaliser lui-même ses choix d’investissement. Cette option par défaut pourrait consister en un investissement dans un fonds de type cycle de vie target date funds, dont la stratégie d’investissement est élaborée de façon à réduire le risque lié à l’investissement au fur et à mesure que la date de la retraite approche. Concrètement : tous ceux qui partent à la retraite, disons en 2025, cotisent dans le même fonds. Au début celui-ci prend plus de risques car même en cas de chute exceptionnellement forte des marchés (comme par exemple en 2008), le portefeuille aura le temps de se reconstituer. Plus la date de la retraite approche, plus les investissement plus risqués diminuent afin d’éviter qu’un nouveau krach boursier, disons en 2024, vienne couper dans les acquis. Cette technique se combine d’ailleurs avec des produits à capital garanti, comme par exemple des fonds garantis ou protégés.

L’obligation pour l’employeur de fournir des options multiples d’investissement aux salariés, la liberté d’investir laissée à ces derniers, accompagnées d’une information et une éducation financière adaptée, nous semble faire des plans d’entreprise 401(k) un régime dont l’Europe pourrait s’inspirer afin d’encourager les salariés à se constituer de futurs compléments de pension. Car ceux qui pensent que leur pension étatique est garantie et assurée à tout jamais devraient jeter un coup d’œil à ce qui se passe dans certains pays comme en Grèce : l’Autruche va droit dans le mur.

Charles Muller est directeur général adjoint de l‘Alfi, Association of the Luxembourg fund industry.
Charles Muller II
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