LuxTrust

L'État à la rescousse

d'Lëtzebuerger Land vom 12.09.2002

L'euphorie pour le commerce électronique, ce n'est un secret pour personne, est retombée depuis un certain temps ; au niveau international comme au Luxembourg. Des projets qui faisaient, il y a quelques années encore, qu'acteurs publics et privés s'affrontent en public sont ainsi tombées aux oubliettes aujourd'hui.

La plus importante de ces initiatives était sans doute le cadre législatif du commerce électronique en général et de la signature électronique en particulier. Pour avoir un impact concret, cette loi adoptée en 2000 dépend de la mise en place d'infrastructures informatiques permettant d'émettre ces fameuses signatures électroniques. On parle de Trust Centre ou de Public Key Infrastructure (PKI). Or, jusqu'à aujourd'hui et malgré d'innombrables études, aucune réalisation concrète en ce domaine n'a vu le jour. Finalement, le gouvernement a décidé, en juillet, que la main publique prendra la relève.

La communauté bancaire s'était au début proclamée maître d'œuvre privilégié en la matière. Or, dans son dernier rapport annuel, l'ABBL explique au sujet du projet LuxTrust s'être « abstenu de pousser plus loin les travaux afin de ne pas compromettre la participation d'autres partenaires en dehors du secteur financier ». Cette belle présentation est tout au plus un euphémisme pour le fait que les banques ne sont plus prêtes à investir de l'argent dans la signature électronique. Vu les efforts qu'elles entreprennent pour réduire leurs coûts, cette réaction des établissements financiers n'est guère surprenante.

Plus lourd pèse toutefois que la signature électronique n'a jusqu'ici pas réussi à s'imposer sur l'Internet. La rentabilité d'une infrastructure PKI n'est dès lors pas donnée. Les commerces et banques en ligne utilisent des systèmes d'identification propriétaires. Les utilisateurs ne ressentent donc aucun besoin pour une signature électronique. Les certificats attribués par la Chambre de commerce, qui commercialise depuis le début 1999 les services du belge GlobalSign, ne se comptent ainsi toujours qu'en centaines.

Ce qui manque est une killer application, qui inciterait un grand nombre de personnes à se doter d'une signature électronique. En France et en Belgique, l'État essaye d'être le moteur de cette évolution en exigeant par exemple que la déclaration de TVA des entreprises se fasse par Internet en signant électroniquement. Au Luxembourg, avec les retards accumulés du programme eGovernment, il faudra patienter avant de voir naître des initiatives semblables.

En attendant, le gouvernement veut au moins garantir que le Grand-Duché dispose des infrastructures nécessaires le jour où la signature électronique ferait (ou non) sa percée. La commission ministérielle qui chapeaute le programme eLuxembourg a ainsi décidé la constitution d'un groupement d'intérêt économique (GIE) pour développer et gérer une solution « PKI ». 

Dans une première phase, il s'agit d'établir un plan d'affaires afin de pouvoir lancer une soumission publique pour le projet début 2003. C'est surtout dans cette deuxième phase que la structure de GIE devrait permettre d'attirer le secteur privé dans le projet. Les coûts d'une telle infrastructure hautement sécurisée, qui pourrait être installée pour la fin 2003, peuvent après tout atteindre plusieurs millions d'euros par année. À quel point le privé sera intéressé à investir dans ce projet reste toutefois à voir.

« Quand le marché ne joue pas son rôle, c'est au secteur public d'intervenir », explique Serge Allegrezza du ministère de l'Économie. Même sans support significatif des entreprises privées, le gouvernement réalisera le projet probablement seul, ne serait-ce que pour utiliser les signatures électroniques le moment venu dans des déclarations de TVA ou d'impôts par Internet. Au ministère de l'Économie, on prévoit même déjà d'attribuer d'office à chaque citoyen une signature électronique à l'aide d'une puce incrustée dans les cartes d'identité.

 

Jean-Lou Siweck
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