Le Luxembourg n'échappe pas à la mode

Luxem-burger

d'Lëtzebuerger Land vom 11.03.2016

Restituons les choses. Un burger, c’est de la viande hâchée, coincée entre deux tranches de pain, garnie de quelques crudités, de sauces et parfois de fromage. Un burger, c’est un plaisir coupable, que l’on s’octroit comme on commande un banana split à la fin d’un repas : on sait que ce sera trop, qu’on aura mal au ventre après, mais on s’en fiche, c’est bon quand même. Un péché grassouillet auquel on cède volontiers de temps en temps. Mais pas tout le temps. Car le burger, on nous l’a assez répété, ce n’est pas super pour la santé, la faute au trop de sel et de glucides.

Son seul avantage ? Son prix – enfin, en théorie. Et son côté pratique aussi, du vite fait vite mangé.D’ailleurs, sociologiquement et historiquement, les mangeurs de burgers ont toujours fait passer l’économique et le pratique avant la qualité. Des calories salées à bas prix, voilà l’objectif affiché.Mais ça, c’était avant. Force est de constater qu’aujourd’hui, le burger est devenu le chouchou des foodistas. En France par exemple, on ne se damne plus pour un bourguignon ou une blanquette, mais on fait sans honte la queue pour un burger. Un sandwich vendu sur deux en est un, 75 pour cent des restaurants traditionnels en proposent et le burger est devenu le leader des plats commandés.

La faute à qui ? Sans doute au chef new-yorkais Daniel Boulud qui, en 2011, a aposé l’étiquette « gastronomique » à notre bon vieux burger, le parant de foie gras et de noble bœuf, histoire de justifier les 27 dollars demandés.Et c’est ainsi que le burger est sorti des carcans de la junk food pour aller se frotter à des palais plus nobles. De ceux qui n’ont jamais mis les pieds chez McDonald, mais qui ne rechignent pas devant un bon burger « pain fait maison pétri à la main », « bœuf sans hormones élevé dans nos campagnes », vendu 21 euros pièce et sans foie gras. Car côté cuisine, on se lâche. Le burger est devenu source d’inspiration et se revisite en toutes les couleurs. Et le Luxembourg n’échappe pas à la mode, bien au contraire. Le pays regorge de restaurants où l’on ne sert presque plus que ça. Du simple café au semi-gastro, le burger s’affiche sur toutes les cartes, même quand on ne l’y attend pas. Pour une addition toute aussi salée que le plat commandé.Stop ! Par pitié pour tous ceux qui aiment manger. Pour tous les amoureux des bonnes choses, des saveurs, des odeurs, des surprises et du ravissement dès papilles. Il y a overdose de burgers. Heureusement, Alex Proud, éditorialiste au Telegraph, prédit la fin du sandwich américain – originaire de Hambourg en réalité – en 2016. Année bénie où les barbes qui fleurissent sur les mentons des hommes devraient disparaître en même temps que le burger de nos assiettes. Car oui, comme les hipsters, les burgers ont fait leur temps.Laissons-les redevenir ce péché grassouillet pour lesquels on aime craquer et arrêtons de coincer le chic, le cher et le bon entre deux tranches de pain d’un burger trop gras, trop haut, immangeable avec les mains.

Salomé Jeko
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