Thoma, Michèle: Wei ich die georgische Mafia suchte und Charlie Chaplin, Buddha und Bambi fand

Viennoiseries

d'Lëtzebuerger Land vom 07.01.2010

C’est aux éditions Ultimomondo, la maison d’édition luxembourgeoise par excellence pour la publication de textes satiriques, critiques, ironiques, plus ou moins hilarants, qu’a été publié le dernier recueil de textes courts de Michèle Thoma (après Mobil Home, en 2003), au titre quelque peu rocambolesque, Wie ich die georgische Mafia suchte und Charlie Chaplin, Buddha und Bambi fand.

Recueil de textes courts donc – pour la petite faim, annonce-t-on préventivement sur le site internet de la maison d’édition – qui jouent tous dans et autour de Vienne et s’amusent à caricaturer non pas Jean-Claude Juncker, les immigrés capverdiens, le petit racisme luxembourgeois dirigé contre les frontaliers, le conservatisme catholique, etc, mais Jörg Haider, les immigrés serbes ou croates ou slovènes (ou même chinois), le petit racisme autrichien dirigé contre les Hongrois, les Turcs, les Slovaques, le conservatisme catholique (sic), etc.

En effet, les histoires courtes de Michèle Thoma, publiées pour la première fois dans différentes revues (d’Lëtzebuerger Land, Lëtzebuerger Journal, Art and Migration) emmènent le lecteur des manifestations au Stephansplatz en présence du cardinal et de la mère de ce dernier aux salons de beauté se trouvant juste au-delà de la frontière hongroise, en passant par des soirées de poésie suédoise, des dîners chez des écrivains bulgares, des salons de coiffure serbes, des petits-déjeuners de ramadan, ou des restaurants chinois (qui semblent décidément les mêmes partout où on va).

Et sans doute, à la lecture de ces nombreux textes, parfois un peu répétitifs parce que ressassant les mêmes endroits, les mêmes personnages, dans des situations très similaires, la ville de Vienne, avec son caractère multi-culturel et multi-ethnique, avec les manies de ses habitants, avec ses plus sombres recoins, prend vie sous la plume de Michèle Thoma. Les histoires alternent les points de vue et les angles de narration, avec une préférence pour une première personne jamais nommée (une femme d’origine luxembourgeoise) et ses éternels soucis amoureux et familiaux.

L’auteure ne laisse passer aucun jeu de mots, même les plus simples et parfois enfantins, homonymes, anagrammes, dé- et reconstructions de mots, et autres. On en est rapidement gavé. Les phrases sont brèves, brusques, efficaces, frappantes à maints endroits, ce qui donne une très nette énergie au texte, mais qui finit par lasser : par moments, ce laconisme prête à confusion tellement le texte est elliptique.

Évidemment, même si le texte se concentre autour de problèmes spécifiquement viennois, le Luxembourg n’est jamais loin, et il arrive que les origines de la protagoniste, ce double de l’auteure, soient cause d’un dialogue non dénué d’humour très noir : conversant avec un serveur finlandais, elle se demande si la difficulté de la langue peut être mise en relation avec le nombre de suicides d’un pays. Puis elle évoque le record non-officiel de jeunes femmes suicidées au Luxembourg. « Ist die Sprache auch so schwer ? » demande logiquement le serveur.

Il serait donc faux de dire que Wie ich die georgische Mafia suchte und Charlie Chaplin, Buddha und Bambi fand serait sans qualités. Même les lecteurs sans penchant pour l’Autriche pourront trouver leur plaisir dans ces histoires « pour la petite faim ».

Michèle Thoma: Wie ich die georgische Mafia suchte und Charlie Chaplin, Buddha und Bambi fand; Éditions Ultimomondo, octobre 2009, 124 pages; ISBN 978-2-919933-57-0
Ian de Toffoli
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