Exposition

Un petit Pompéi au Grand Palais

d'Lëtzebuerger Land du 31.07.2020

Il est des catastrophes naturelles qui restent dans les mémoires, comme le note Goethe en 1787 lors de son fameux voyage en Italie : « Dans le monde, il s’est produit nombre de catastrophes mais il en est peu qui aient causé autant de joie aux générations futures. Je ne connais rien de plus digne d’intérêt que Pompéi. »

De Pline le Jeune à Sigmund Freud, l’éruption volcanique de Pompéi, en l’an 79 de notre ère, n’aura cessé de fasciner, voire de conjurer toutes les peurs d’extinction civilisationnelle. Depuis la première campagne de fouilles impulsée par Charles III d’Espagne en 1748, nombreux sont celles et ceux à s’être rendus en Campanie pour cheminer sur les vestiges de la ville morte. Dès les années 1930, le cinéma s’empare de la tragédie (The Last Days of Pompeii d’Ernest B. Schoedsack, qui sera repris en 1959 par Sergio Leone), jusqu’au récent péplum que lui a consacré Paul W. S. Anderson (Pompei, 2014). Voici donc la mémoire de Pompéi assurée de se transmettre de génération en génération.

Il aura fallu exhumer les vestiges de cette prospère cité antique pour prendre conscience rétrospectivement de son existence. Subventionnées par l’État italien et l’Union européenne, les fouilles archéologiques ont à explorer encore un tiers de la ville, enfouie sous les cendres laissées par le capricieux Vésuve. Avant de raser Pompéi, celui-ci sommeillait depuis plus de huit siècles. Après la destruction complète de Pompéi, c’est l’armée américaine délivrant Naples, en 1944, qui aura le plaisir de faire connaissance avec ce monstre de feu, comme en témoignent les archives filmiques présentées dans l’exposition. Si l’on en croit l’état actuel des recherches scientifiques, l’éruption aurait eu lieu en automne, le 24 octobre 79 précisément. Pendant près de 30 heures, quatre kilomètres cubes de cendres et de pierres ponces sont déversés sur Pompéi et ses alentours. Après plusieurs jours où se succèdent des tremblements de terre, un gigantesque nuage de gaz et de pierres ponces se forme dans le ciel, à 32 kilomètres de hauteur (!), tandis qu’une pluie de lapilli s’abat sur la ville et provoque l’écroulement des toits. Le lendemain, c’est une nuée ardente assortie de nuages de cendres et de gaz qui se répand sur la ville, signant l’arrêt de mort de l’habitant confiné dans son domus.

Projeté sur toutes les parois du lieu, ce spectacle naturel, impressionnant, faisait irrésistiblement l’objet d’une reconstitution immersive virtuelle au Grand Palais. Mais celle-ci était si brève – à peine une dizaine de secondes – que le public, majoritairement familial, en sortait déçu. Ailleurs, des films retraçant l’histoire de la ville et l’avancée des fouilles archéologiques constituaient une bonne introduction à l’exposition. Celle-ci rassemblait pour l’occasion une vingtaine d’objets de la vie quotidienne à admirer : un vase ornementé de figures en parfait été de conservation, une mosaïque représentant Ariane et Dionysos, une fresque montrant la déesse Venus sur un char tiré par des éléphants, deux flûtes en bronze et en os utilisées lors de cérémonies religieuses, de petites amulettes servant à conjurer l’impuissance sexuelle, la mort ou la maladie, ou encore une statue de Livie, la seconde épouse de l’empereur Auguste, trônant au milieu du parcours. Dans une chambre à part, les moulages d’un chien et de corps humains saisis au moment de l’éruption volcanique nous retournent le ventre.

Malgré l’émerveillement suscité par ces objets antiques, malgré le plaisir d’assister, à l’abri du feu, au spectacle d’une catastrophe naturelle survenue il y a presque deux mille ans, la manifestation parisienne s’avère décevante. En cause : le recours à la réalité virtuelle qui trouve le plus souvent peu d’utilité pédagogique, quand elle n’est pas au service d’un sensationnalisme qui se réalise aux dépens de la valorisation du contenu scientifique. La seule exception notable concerne, en fin de parcours, la présentation des différents styles des fresques retrouvées sur les murs des maisons de Pompéi. C’est bien peu pour une institution comme le Grand Palais.

Pompéi. Promenade immersive. Trésors archéologiques. Nouvelles découvertes. Grand Palais, Salon d’Honneur, Square Jean Perrin à Paris. Jusqu’au 27 septembre 2020

Loïc Millot
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