Qualité des décisions de justice

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d'Lëtzebuerger Land vom 29.01.2009

Au moment où les perceuses résonnent toujours dans les nouveaux locaux de la Cité judiciaire, le Conseil consultatif de juges européens transmet son avis sur la qualité des décisions de justice au Comité des ministres du Conseil de l’Europe. Celui-ci se lit comme un sommaire des principes de base qui permettent aux magistrats de rendre des jugements fondés, crédibles et faciles à lire, une garantie pour permettre de maintenir la paix sociale. 

L’indépendance des juges est certes le b.a.-ba de toute justice qui se veut un tant soit peu crédible. Cependant, ce n’est certainement pas « une prérogative ou un privilège octroyé dans leur propre intérêt, mais elle leur est garantie dans l’intérêt de la prééminence du droit de ceux qui recherchent et demandent justice », rappelle le Conseil.Or, la qualité des décisions de justice dépend aussi de facteurs étrangers comme le travail législatif et exécutif qui fournit lois et règlements, l’instrumentaire sur lequel se fonde le travail des juges. « Nous sommes confrontés à de plus en plus de textes, ils sont constamment adaptés, ré­écrits, » constate le juge Jean-Claude Wivinius qui représente le Luxem­bourg au sein du Conseil consultatif. « S’y ajoutent les transpositions de directives européennes qui doivent souvent être interprétées avant que nous puissions les appliquer. C’est par exemple le cas lorsque le législateur a choisi de ne pas suivre le texte européen sur certains points. C’est pourquoi il faut insister davantage sur la clarté des lois ». Et inviter le parlement à adopter des textes qui n’ont pas besoin d’être ajustés à tout bout de champ. 

D’un autre côté, les injonctions du ministre de la Justice adressées aux forces de l’ordre de mettre les bouchées doubles en matière de « zéro tolérance » n’ont d’incidence sur le travail des juges que par le seul fait qu’ils ont à traiter plus d’affaires. « Cela n’a aucune répercussion sur les cas que nous avons à juger, précise Jean-Claude Wivinius, ce n’est  certainement pas une raison d’être plus sévère avec les gens. »

Une formation solide et une formation continue de qualité des juges et du personnel administratif constituent le pivot du fonctionnement judiciaire. Or, certains magistrats se voient parfois exposés au reproche de ne pas connaître les réalités du terrain, de n’avoir toujours vécu que dans un milieu socialement « protégé », ce qui ne favorise pas la compréhension des différentes situations auxquelles ils sont confrontés. C’est sans doute pour cette raison que le Conseil consultatif recommande de « promouvoir d’autres capacités et connaissances complémentaires dans des matières non juridiques, permettant au juge d’avoir une bonne compréhension des situations soumises à son appréciation. » Plus loin, il insiste aussi sur l’importance du professionnalisme du juge dont la décision doit aussi prendre en compte « des notions et réalités non juridiques propres au contexte du litige telles que, par exemple, des considérations éthiques, sociales ou économiques. » Selon le juge Wivinius, la formation telle qu’elle est organisée au grand-duché permet cette prise en considération parce que les candidats à la magistrature passent leur période de stage à faire le tour des intervenants : police, services sociaux, huissiers de justice, psychologues etc. Tout dépend ensuite de la motivation et de la sensibilité particulière des gens de robe.

Le Conseil des juges des 47 nations considère aussi que les opinions dissidentes motivées devraient être publiées. Lorsqu’une Chambre est composée de trois ou cinq magistrats, le jugement reflète l’opinion de la majorité, même s’il ne fait pas l’unanimité. La justice luxembourgeoise ne prévoit pas d’ajouter cet addendum et Jean-Claude Wivinius le justifie par l’argument que cette pratique ne fait pas partie de la « culture juridique » du pays et qu’elle s’oppose au principe du secret du délibéré. 

Somme toutes, le grand-duché n’au­rait pas de problème majeur et répondrait présent pour la grande majorité des principes énoncés dans l’avis des juges européens. Or, il n’a toujours pas de Conseil supérieur de la justice (d’Land du 23 mai 2008) qui aurait entre autres pour tâche de contrôler et d’évaluer la qualité des décisions de justice. Il serait aussi en charge d’organiser la formation des magistrats et d’assurer le respect de leur indépendance. « Et surtout, de leur défense par rapport aux attaques dans les médias, » ajoute Jean-Claude Wivinius qui insiste sur l’urgence d’un porte-parole pour la jus­tice, chargé d’expliquer d’une manière compréhensible les tenants et aboutissants du troisième pouvoir. Les services du ministre de la Justice planchent toujours sur le projet. 

anne heniqui
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