CD The Cell[o]division du Bloe Baaschtert

Tours de force

d'Lëtzebuerger Land vom 07.01.2010

On ne présente plus Bloe Baaschtert, émission phare de Radio Ara, qui n’a de cesse de présenter et défricher l’actualité musicale luxembourgeoise, souvent cantonnée ailleurs à un éclairage pour le moins confidentiel. Après trois compilations qui exposaient avec plus ou moins de bonheur la scène alternative locale, ce quatrième volet recentre le débat autour du violoncelle, instrument à cordes réputé pour son expressivité et dont la tessiture couvre celle de la voix humaine. Intitulé The Cell[o]division, cet album décline les collaborations entre violoncellistes et d’autres musiciens venus d’horizons complètement différents, collaborations aboutissant aux morceaux présents sur ce CD. Pour marquer le coup, le disque a été présenté live à la Philharmonie conjointement à la Melting session 4, évènement audiovisuel que l’on doit au VJ Melting Pol.

Mais revenons au contenu musical de ce The Cell[o]division, qui commence par Leola, langoureuse et poignante pièce écrite par Daniel Balthasar qu’il laisse interpréter par la violoncelliste de son groupe, Emmanuelle Seiwerath. Outre de solides aptitudes en composition, Daniel Balthasar confirme, une fois de plus, qu’il est infiniment plus passionnant lorsqu’il s’éloigne de son morne carcan habituel, la pop radiophonique passe partout.

Après cette très belle entrée en matière, l’anecdotique reprend le dessus par deux fois. Avec tout d’abord Heresy de Pol Feltes, morceau folk solennelo-chiant rappelant le côté boy scout au coin du feu que peuvent avoir New Model Army et autres Levellers des mauvais jours. Puis c’est au tour de We should feel the same, collaboration erratique et peu inspirée entre Sermeq (autrement plus convaincant sur son Quotations) et la violoncelliste Lisa Berg de nous la jouer mystique de grande surface. Heureusement que Judith Lecuit [&] Friends viennent à point nommé remettre les pendules à l’heure avec le ludique et très jazz Going gulda qui, s’il n’apporte pas d’eau au moulin, se laisse néanmoins écouter avec beaucoup de plaisir, car le plaisir des musiciens est très palpable.

Cell2Cell débarque ensuite avec Straight from the attic, qui s’enfonce sur les sentiers balisés de l’electro bon chic bon genre. Avec pour protagonistes Lisa Berg et Michel Van Tune, DJ de son état, Cell2Cell déroule pendant huit longues minutes ses beats usités qui soutiennent les semi-improvisations plus ou moins inspirées de la violoncelliste. Dommage, on attendait plus de la part de deux CV aussi remplis.

Mais le plat de résistance Overload dissipe aussitôt ces regrets, car outre la présence d’André Mergenthaler, c’est le retour aux affaires de la nébuleuse Sonic Attack. Le mythique et mystérieux duo était aux abonnés absents depuis quelque temps. Mais il se rappelle à notre bon souvenir et de quelle manière : à travers neuf excellentes minutes de breakbeats secs et oppressants, où les fameux cello loops du sieur Mergenthaler chargent avec un certain impressionnisme cette sombre ambiance que n’aurait pas renié Amon Tobin.

En vacances prolongées (définitives ?) de Torpid, leur guitariste chanteur Gilli Milligan ne chôme pas. Utilisant depuis quelque temps le patronyme Yikez!, il se coltine l’aide de Mylène à la deuxième voix et au violoncelle pour un morceau déstructuré, Yellowman mi-figue mi-raisin. Si les premières mesures renvoient à la scène post rock et noisy française (Zëro, voire Le Singe Blanc), la rage dada se fait plus désabusée au fur et à mesure que le morceau avance, les cliquetis et autres harmoniques de guitares se faisant progressivement damer le pion par les respirations d’un violoncelle de plus en plus présent. Mais comme on ne se refait pas, la guitare noise aura le dernier mot. À Lucilin cependant, l’honneur de clore les débats avec Nykteri, pièce fort éclatée. Le collectif, actif depuis 1999, n’a pas son pareil pour s’emparer de projets inattendus.

À vrai dire, on craignait un peu que The Cell[o]division pêche par ce côté « collaboration vite torchée ». Mais devant les quelques magnifiques tours de force qu’il renferme et qui justifient son existence (un petit mot également pour féliciter l’excellence des photographies de Véronique Kolber qui ornent le livret), on oublie vite les quelques bâclages qu’il contient.

Pour plus d’informations : www.bloebaaschtert.lu, www.melting.lu/meltingsession4.html
David André
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