EP 1 de Jéis Mersch

Op de Punkt!

d'Lëtzebuerger Land vom 12.11.2009

Frère de la cinéaste Geneviève Mersch, Jéis Mersch sort un recueil de chansons en luxembourgeois. Pour ce faire, il est accompagné ou aidé de Komplizen (complices), parmi lesquels l’on pointera Laurent « Fouss » Hoffmann, Bernie Z. ou encore Lex Gillen, responsable du mixage et des arrangements de cinq des sept morceaux. Enregistré aux Chinchillas Studios, l’EP sobrement intitulé 1 (et le mot est faible, tant la pochette est un modèle de graphisme sous Wordart) ne cherche pas l’esbroufe.Jéis Mersch n’est pas à proprement parler un chanteur et préfère pratiquer un art de la rime, proche des spoken words, sur des musiques composées par ses soins, Lex Gillen ou encore Bernie Z. Sur un ton nasal et plaintif, ce Droopy luxembourgeois convoque des images de délabrement, d’introspection, mais surtout de solitude qui convolent avec des observations plus ou moins sarcastiques, sans oublier un humour noir un peu opaque. Chansonnier des chauffards et l’alcool au volant sur All Feldwee as ëng Autobunn, storyteller des sans-abris sur Verzweifelt Vakanz, pamphlétaire fustigeant les arts et la poésie, mais surtout la pléthore des poseurs dans ces milieux sur les morceaux sibyllins E richtege Poet et E richtegen Artist, divergeant par une légère différence de tempo. 

On remarque rapidement, à travers les thèmes traités par Jéis Mersch, une affection ou plutôt une compassion pour les marginaux ou les laissés-pour-compte de la société. Ce qui fait sens si on prend en compte son expérience professionnelle en tant qu’enseignant et formateur au Centre pénitencier de Luxembourg, qui le fait côtoyer au quotidien ces destins, pour le moins cabossés dans un milieu, disons pas spécialement réputé pour sa douceur de vivre…  

Les musiques interchangeables défilent et se limitent au soutien des textes de Mersch, accentuant telle ou telle ambi­ance. Seule réelle exception, Den Doudi (musique signée Bernie Z.), sur un fond musical proche du faramineux Rock Bottom de Robert Wyatt, voit la musique et le texte former un tout poignant, créant un réel malaise quand Mersch se lance dans la description assez glauque d’un cold turkey – ou est-ce une lente et réelle agonie ? Signalons que dans le lot, il y a aussi un morceau en allemand Verrückt vor Einsamkeit sur une trame blues, qui doit raviver la flamme blues-rock de tout un pan d’un certain passéisme musical luxembourgeois. À l’image de sa pochette proprement inexistante en terme de mise en image, avare d’infor­mations, l’EP 1 de Jéis Mersch [&] Komplizen est un plaisir discret entre amis et devrait le rester. 

David André
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