Stephan Balkenhol

Balkenhol – maître de la sculpture en bois

d'Lëtzebuerger Land du 28.02.2014

Depuis plus de trente ans, Stephan Balkenhol s’acharne à forger un œuvre homogène de sculptures et de bas-reliefs en bois où l’être humain joue le rôle central. À côté des figures humaines (dont certaines dépassent quatre mètres en hauteur), il crée aussi des sculptures d’animaux (des pingouins, une girafe ou un chien) et d’êtres hybrides ainsi que des bas-reliefs soit abstraits, soit avec des paysages. Aujourd’hui, l’artiste compte parmi les sculpteurs allemands les plus connus au plan international. Si d’aucuns critiquent son œuvre pour sa faible variation, il n’en reste pas moins que Balkenhol réussit à dresser, avec un matériel aussi brut que le bois, un fin portrait de l’homme. La Galerie Nosbaum & Reding consacre une exposition à ses œuvres récentes.

Afin d’instaurer une harmonie et un dialogue entre les pièces exposées, Balkenhol joint toujours des bas-reliefs à ses sculptures. En entrant dans la galerie, on perçoit ainsi deux portraits, l’un montre un homme en costume et cravate et l’autre une femme distinguée, ciselés dans une plaque de bois dont la composition picturale est similaire à celle des icônes. Ces deux travaux ne sont pas sans rappeler les portraits qu’il a réalisés du Grand-Duc Jean et de la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, deux commandes malencontreuses accrochées au Mudam. Si le détail de ces bas-reliefs est élaboré, la galerie montre aussi des reliefs plus expressifs, où les têtes humaines semblent gravées dans la plaque en bois à la manière d’un dessin rapide.

L’œuvre Radio Luxembourg et homme en noir&blanc fait référence au grand-duché et par là à l’intérêt que l’artiste porte à notre pays. Une petite figure d’un homme en chemise blanche et en pantalon noir est posée devant un bas-relief montrant la Villa Louvigny. Le titre renvoie à son utilisation en tant que domicile de la Compagnie Luxembourgeoise de Radiodiffusion (RTL Group aujourd’hui) de 1932 jusqu’au début des années 1990. La teinture grise et la structure verticale du bois créent une atmosphère particulière, suggérant un après-midi d’automne pluvieux. Deux autres sculptures retiennent l’attention : celle d’une femme fragile à la tête baissée, habillée en turquoise, et celle, plus grande, d’un homme, placée dans la salle du fond de la galerie. D’une hauteur de 2,37 mètres, cet homme, torse nu et vêtu d’un pantalon noir, se dresse magistralement devant le spectateur.

La technique de Balkenhol et l’importance qu’il accorde au savoir-faire artistique se manifestent aussi dans une sculpture d’un ours en peluche et dans le buste d’une femme, dont le vêtement bleu se prolonge vers le bas simulant un socle. L’aspect haché du bois et l’importance du socle font transparaitre le bloc de bois originel sur lequel Balkenhol dessine les contours des figures, puis les découpe avec une tronçonneuse pour les aiguiser ensuite avec un ciseau et un marteau. L’artiste renonce au polissage de la surface pour que la structure roque reste visible. Dénommé Kleiner Gott, le nounours, avec sa grosse tête et ses grands yeux noirs, s’avère être la seule pièce de l’exposition dont le titre suggère une piste d’interprétation au-delà de la simple description. Les gestes des figures de Balkenhol sont simples et les couleurs sobres. La mimique elle aussi est très économique. D’un côté, cette retenue laisse au spectateur une liberté d’autant plus grande pour interpréter les œuvres. De l’autre côté, l’artiste tente de libérer la sculpture du poids de la tradition en évitant une expressivité excessive. Il libère l’homme en quelque sorte de toute connotation superflue et essaie de cristalliser ce qui serait essentiel à l’homme ; à se demander si une telle quête est encore possible de nos jours.

Grâce à la volonté de Balkenhol de déjouer une interprétation trop restrictive ou purement intellectuelle de ses œuvres, ces dernières captivent justement par leur sobriété et le vide apparent. Inévitablement, on se rappelle des sculptures comme les énigmatiques chinois de Juan Muñoz qui établissait lui aussi une corrélation entre le regard vide et le fredonnement intérieur d’une sculpture. Outre la tension entre apparence et essence, les figures figées dans le bois massif de Balkenhol entrent dans un beau dialogue avec les peintures de métropoles et de constructions architecturales dépeuplées de Christian Frantzen, exposées au sous-sol de la Galerie Nosbaum & Reding.

L’exposition Stephan Balkenhol est à voir jusqu’au 8 mars à la Galerie Nosbaum & Reding, ouverte du mardi au samedi de 11 à 18 heures et sur rendez-vous ; www.nosbaumreding.lu.
Florence Thurmes
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