Cinéma

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d'Lëtzebuerger Land du 30.06.2017

D’abord, une scéne d’ouverture qui sonne comme un prologue. Quelques minutes, un homme, face caméra. Il parle de son père. Il est écrivain. La caméra confirme alors ce que l’on devinait : il partage quelques passages de son nouveau livre devant une assistance. Max Zorn (Stellan Skarsgard), scandinave exilé à Berlin depuis bien longtemps, revient à New York où il a vécu il y a une vingtaine d’années. Une constellation piaille à ses côtés : il y a Clara, sa jeune compagne (Susanne Wolff) et son attachée de presse Lindsey (Isi Laborde), qui ont toutes les deux œuvré à cette édition. Et qui dit revenir dit retrouver : Walter (Niels Arestrup) sera l’ami perdu de vue, celui à qui on peut tout demander, y compris le contact d’une ex… C’est Lindsey qui sera chargée de l’appeler et de la convaincre. Réticente, Rebecca (Nina Hoss) finit par accepter de revoir Max. À travers des passages de son livre et par son comportement, il est évident que le sexagénaire n’a jamais oublié cet amour-là. Elle lui propose de l’accompagner à Montauk, dernier arrêt avant la mer, là où ils s’étaient aimé.

Volker Schlöndorff, né en 1939 et réalisateur du très marquant Die Blechtrommel en 1979, semble s’alléger avec l’âge. L’histoire de ce Return to Montauk, très librement adaptée du livre de Max Frisch, tient en effet davantage de la bluette à message que des intrigues complexes et passionnantes auxquelles il nous avait habitués, à l’image de son Diplomatie d’il y a trois ans. Deux transats vides, face à l’océan. Ils attendent deux personnes qui s’étaient perdues pendant très longtemps. Malgré ce synopsis risible, on voulait encore y croire, de par la réputation du cinéaste, de par ce casting hétéroclite et forcément prometteur. Schlöndorff, aidé par l’écrivain et scénariste Colm Toibin, a construit des personnages complémentaires, bien réels. Ils ont su rythmer le délitement avec subtilité, du premier pincement au cœur au déchirement.

Mais la comédie romantique étant un genre probablement trop mineur pour lui, le réalisateur en a fait un pensum indigeste, qui lorgne du côté de la philosophie pour dire le vaudeville. On y parle beaucoup d’émotions, le verbe est joli, délivré avec emphase, mais sans le ressentir. Dans la mise en scène, on fait la part belle aux réactions, aux distances entre les personnages, à la force du souvenir, mais toute cette attention est mise au tapis par ces dialogues ampoulés et bien trop nombreux. Le personnage de Max pose finalement problème. Écrivain fantasmant la perception de son passé, il laisse partir les femmes sans les retenir, pour lâcher ensuite quelques belles phrases sur les remords et les regrets, refaisant à nouveau les mêmes erreurs, en accusant le temps et blessant terriblement ces femmes. Schlöndorff montre sa lâcheté, mais avec une tendresse qui confine à la misogynie, en l’excusant une dernière fois, pour justifier l’acte de création, l’acte d’écrire. D’une proposition élégiaque et élégante, on passe vite à une œuvre testamentaire d’un goût douteux.

Marylène Andrin-Grotz
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