Jidfereen ka Lëtzebuergesch léieren

d'Lëtzebuerger Land vom 15.12.2023

Avez-vous cherché une possibilité d’apprendre le luxembourgeois en ligne, sans trop dépenser et grâce à une méthode prometteuse ? Voici Elusive, le site (dont une nouvelle version sortira en début d’année 2024) qui vous propose d’acquérir votre maîtrise du « luxo » avec une « méthode naturelle ». Les mots-clés sont immersion, écoute, répétition, et… écoute. Les deux fondateurs sont les Luxembourgeois Mélanie et Philippe Sosoe, motivés par un véritable désir de promouvoir l’intégration des habitants du Luxembourg en facilitant l’apprentissage de la langue locale (au-delà du test pour l’obtention de la nationalité, jugé une bonne base, mais souvent insuffisante). Débarqués à Diekirch à onze et douze ans en provenance de Montréal, ces sœur et frère savent quelque chose des difficultés qui se posent aux nouveaux arrivants, qui maîtrisent peut-être une ou deux des langues officielles. Ils se rendent vite compte que le luxembourgeois est un moteur d’intégration essentiel. Où commencer, et à qui parler pour s’améliorer ?

Philippe a attrapé le virus de l’apprentissage linguistique. Il se lance dans une entreprise à visée polyglotte en apprenant, en plus du français, de l’anglais, de l’allemand et du luxembourgeois, le portugais, l’indonésien, l’arménien et le néerlandais… à côté de ses études en mathématiques à McGill, Princeton et Harvard (il est maintenant professeur associé en mathématiques à l’université de Cornell). Cela lui donne une expérience indubitable en matière d’outils d’apprentissage de langues. Il veut alors proposer quelques innovations par rapport au système pédagogique généralement pratiqué au Luxembourg. « Nos recherches exhaustives ont montré que c’est l’immersion qui fonctionne le mieux, et qu’on n’a pas forcément besoin d’une connaissance complète de la grammaire avant de commencer à parler une langue… On a surtout besoin d’écouter un maximum », explique Mélanie, qui elle est détentrice d’un diplôme en droit. « Sachant qu’un enfant entend en moyenne 100 000 heures de langue avant de commencer à produire lui-même, c’est l’immersion audio qui compte. Et cela vaut pour tous les âges. ». Si elle admet que la mémoire se dégrade à partir de l’adolescence, tout comme la faculté d’imiter des accents, elle conclut à partir des recherches scientifiques et travaux qu’elle a étudiés que tout le monde peut apprendre une nouvelle langue à chaque âge, avec la méthode appropriée.

Bien sûr, c’est la motivation qui compte. Le site elusive.lu, qui compte maintenant 32 chapitres, est ludique en intégrant une vingtaine de questions « quizz » par chapitre. « S’il est avéré que l’écoute est clé, elle risque d’ennuyer. Il faut rendre le tout interactif et surtout contextualiser ». Ils ont constitué une base de données en partant des mots et phrases effectivement utilisées dans la vie quotidienne au Grand-duché. Cela vaut aussi pour la présentation : Mel et Phil ont embauché une illustratrice qui insuffle vie aux chapitres avec des scènes locales – à la Philharmonie, à la Schueberfouer…. « L’outil vise à promouvoir un maximum de connections cérébrales, le cerveau mémorisant mieux dans un contexte qui stimule plusieurs sens et registres ». Ils accordent également une attention particulière aux différents accents régionaux : « on intègre des mots du ‘Eislécker’ ou du ‘Miseller’ pour affûter le sens de la diversité de la langue, et pour que les gens ne soient pas paumés dans la vraie vie.»

L’orthographe de référence est celle adoptée par le gouvernement en novembre 2019. Pour la grammaire, Mélanie avoue  parfois avoir dû croiser différentes sources (Zenter fir d’Lëtzebuerger Sprooch, Alain Atten,…). « Parfois, les règles ne sont pas à cent pour cent claires, ou il y a des lacunes, on continue les recherches dans le but d’identifier des règles qui rendent la langue prévisible au maximum pour les étudiants ». L’équipe a fait tester le cours de langue exhaustivement, Mélanie ayant, pendant dix mois, conduit ces expériences, à l’aide du Centre d’orientation professionnelle de l’Adem.

Payer un site, une illustratrice, c’est cher. Tout comme rémunérer des étudiants de l’université de Luxembourg, qui aident les deux fondateurs à enregistrer les chapitres (jusqu’il y a peu, tout a été parlé par Mel et Phil en personne). Pour l’instant, les frais d’abonnement de Elusive s’élèvent à dix euros par mois… L’équipe n’a pas jusque-là bénéfice de subvention étatique, mais compte demander un subside dans le cadre de la campagne du gouvernement pour promouvoir la digitalisation. Philippe travaille également sur un outil spécial de préparation au Sproochentest requis pour obtenir la nationalité luxembourgeoise. Elusive a déjà obtenu le certificat étatique requis pour la reconnaissance de leur outil dans ce cadre. La tentative de démocratisation de l’apprentissage du luxembourgeois est palpable.

Béatrice Dissi
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