Anne Fabeck

Or et ardoise

d'Lëtzebuerger Land du 04.04.2002

Les murs sont d'un ton jaune d'oeuf qu'Anne Fabeck qualifie de jaune russe dans la première pièce, des sièges verts et des milliers de peintures sur verre, de ces histoires de martyrs qui ressemblent à des contes fantastiques. La seconde pièce est saumon et des candélabres dorés, de la dentelle, des lustres ou morceaux de lustres en cristal accompagnent la déambulation sur une ardoise accueillante. 

Chacun sait que c'est un schiste argileux qui se débite en plaque, et dehors c'est la seule qui, façonnée sert à couvrir les maisons. Les maisons plus ou moins habitées, plus ou moins chauffées qui gonflent d'humidité, guettent un soleil dont elles ne savent comment l'utiliser tellement il est timide. Il ne serait pas dans la note en quelque sorte et son projet d'entrer au sein de la confrérie est pour l'instant, hors de portée. 

Pour que ça chauffe et que ça brille Anne Fabeck s'y prend autrement. La qualité de la dorure est un élément d'appréciation déterminant, à laquelle il faut donner un cadre. La dorure ancienne, non retouchée, présente souvent des réseaux de craquelures et de jeux de transparence révélant l'apprêt. La redorure à la mixtion est plus mate et ne permet pas des effets de lumière - la qualité d'encadrement du cadre dépend d'un tout. L'ardoise sociale, en quelque sorte. 

Cela commence au « Lycée de jeunes filles », avant qu'il porte le nom de Schuman. Revenant de l'académie de Düsseldorf, Anne Fabeck va prendre à bras le corps l'enseignement artistique des jeunes filles en question. Il fallait dans toutes les matières avoir la moyenne et les jeunes filles étaient, une fois pour toutes, traitées en moyennes, baignant dans un ennui moyen et incontournable. Il fallait s'appliquer à plaire aux parents, aux professeurs et ils étaient légion - alors qu'eux, ne se souciaient nullement de leur public. Ils se gargarisaient, jetaient quelques hiéroglyphes au tableau, montraient quelques-unes de leurs manies, péchés mignons, devant un troupeau de moyennes, s'en allaient d'une classe à l'autre, sans mettre vraiment au point leur numéro. 

Anne Fabeck était en quelque sorte liée au rendement. Collages de papiers de journaux pour figurer une inondation, ou carrés de toile de jute pour les ocres d'un désert, elle allait atteindre le public là où il vibrait, sans perdre de temps - comme on communiquerait aux extra-terrestres. Avec un enthousiasme communicatif, et un peu hors contexte. D'un même galop, elle va mener au sein d'un conseil créé par Robert Krieps, le Conseil national de la culture qui sera censé donner des accents déterminants. Elle allait réveiller les morts, réclame un centre d'art contemporain, en 1987 crée une agence luxembourgeoise pour l'action culturelle, veut repeindre les maisons du pays, fait des maquettes de vitraux - Fetschenhof, Bridel -, va accoucher des thèses, bref faire fructifier un potentiel qui en défrisera plus d'un. 

Parfois elle eut la langue devant les dents. Trébucha sur des compagnies qui étaient loin de pratiquer le cantonnement, maladroite et sincère. Un mari, trois enfants, elle ne rate aucun déplacement dans les capitales  pour courir expositions et musées. Se lie d'amitié avec la galeriste Denise Renée. À Koerich, l'été dernier, dans une grange aménagée, elle s'offre carrément un lieu d'exposition. Où tous les peintres qu'elle apprécie se voient rassemblés. Devant ses toiles, dont elle dira : « le carré me fournit le cadre et l'outil, la stimulante contrainte et le sujet exigeant, à la recherche d'un absolu qui transcende la peinture ».

La maison devient théâtre de ses passions... Et puis, de plus en plus le recueillement devant son chevalet dans la maison pour de la couleur bonne et loyale. Monochrome, géométrique avec une nette sympathie pour le carré. L'or carré. 

 

Anne Schmitt
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