Jemmic

L’excellence à la luxembourgeoise, ici et ailleurs

d'Lëtzebuerger Land vom 12.06.2015

Même s’il a fait ses classes en Suisse, que l’on parle de sa formation supérieure dans une école d’ingénieur helvétique complétée par un EMBA en management des technologies à HEC Lausanne ou encore de sa première expérience professionnelle, Jean-Pierre Schmit est aujourd’hui bel et bien un jeune entrepreneur luxembourgeois, bien ancré dans la vie économique et la culture du pays qui l’ont vu grandir. Très vite spécialisé en internet banking, il a tout d’abord mis sa double expertise IT/banque au service d’une société suisse qui proposait aux banques des interfaces automatisées destinées à offrir gain opérationnel et compétitivité aux utilisateurs. Puis le Luxembourgeois remarque que les solutions mises en place dans les grandes entreprises peuvent être améliorées et sont souvent développées en interne en dépit de certaines limitations au lieu d’être confiées à un partenaire externe plus flexible. Une observation qui renforcera sa volonté de devenir un acteur indépendant, et c’est ainsi qu’il décide en 2009 de rentrer au Grand-Duché pour créer sa propre société : c’est la naissance de  Jemmic.

Désireux de rester actif dans le domaine bancaire tout en gardant cette dimension d’interface, Jean-Pierre décide de soutenir son entreprise grâce à deux piliers d’activité. Le premier conjugue le développement d’applications « from scratch » pour les banques à celui de solutions de sécurisation d’interfaces déjà existantes : « Si à Luxembourg nous avons la monoculture Luxtrust, dans les autres pays, chaque banque choisit sa plateforme et son mode de sécurisation pour son internet banking, ce qui nous permet d’exporter fortement… » C’est ainsi que la société luxembourgeoise a créé une plateforme d’authentification et de sécurisation des paiements qui est aujourd’hui déployée dans 25 banques suisses. Car en effet, la quasi-totalité de la clientèle de Jemmic se trouve dans ce pays pour lequel son fondateur a gardé un grand intérêt et où il bénéficie d’un solide réseau.

Quant au second pilier d’activité de la société, il s’agit du développement d’applications internet banking innovantes, comme celle créée pour la Geneva Trading and Shipping Association et qui a participé à une petite révolution pour cette puissante instance de négoce des matières premières, depuis devenue Swiss Trading and Shiping Association : la digitalisation de leur mode de fonctionnement jusque là basée sur le papier. Il est donc facile de deviner que l’arrivée du digital et des solutions Jemmic sur une place qui négocie plus de la moitié du pétrole mondial furent loin d’être anodines…

L’atout premier de la société basée à Itzig est sa boite à outils développée en interne et qui rend possible la création d’applications web sécurisées très rapidement, la fiabilité de ses composants ayant été éprouvée maintes fois. Il suffit ensuite de lui ajouter la composante business pour obtenir une solution complète et performante. L’autre point fort de Jemmic est sa plateforme d’authentification flexible et compétitive, capable de gérer plusieurs types d’identification – par SMS, Smartcard, scan mobile… Enfin, sa capacité à créer des communautés de clients en identifiant les acteurs qui ont les mêmes attentes lui permet de proposer des offres globales, qualitatives et efficientes pour tous et répondant à des besoins même très conséquents.

Et en dehors du devoir qu’il s’est assigné de participer à l’économie de son pays natal, les avantages d’installer une structure telle que Jemmic à Luxembourg sont évidents pour le patron né au Grand-Duché. Tout d’abord, le Luxembourg est une place centrale, rassemblant un grand nombre d’acteurs internationaux, mais il offre également une relative facilité d’installation, notamment en termes d’administration et de financement. Les aides de l’État et des agences de soutien comme Luxinnovation, même si le processus est relativement long, créent à Luxembourg, selon Jean-Pierre Schmit, un terrain fertile pour les start-ups, notamment dans le secteur Fintech. Jemmic est toutefois un cas à part, la société ayant réussi à financer en grande partie ses produits grâce à son activité initiale de conseil. Ainsi, la société du Luxembourgeois, toujours seul actionnaire aujourd’hui, a réussi le pari d’être rentable dès les premiers mois et de sortir ainsi assez vite de la dynamique start-up pour s’installer solidement et se développer. Une croissance particulièrement notable ces six derniers mois, l’équipe passant de quatre à sept collaborateurs sur cette période.

Pour son recrutement, le jeune entrepreneur assume d’ailleurs pleinement privilégier une population active qui peut paraître surprenante dans le secteur qui a l’habitude de « scouter » au quatre coins du monde : les frontaliers. En effet, Jean-Pierre Schmit souhaite s’entourer de profils qui ne sont pas forcément « tout faits » au départ mais qui riment avec grand potentiel et long terme. Il propose de leur offrir un cadre de travail agréable, une formation solide dans un secteur en plein essor et une intégration totale en quelques mois. Et c’est dans ce vivier que représente la population frontalière, souvent désireuse de rester dans la région et d’y construire une vie, qu’il trouve ces perles rares, ces développeurs java d’exception par exemple, dont il a besoin. Quant aux Luxembourgeois, le jeune entrepreneur déplore malheureusement le fait qu’ils soient trop souvent attirés par la facilité d’un poste avantageux dans les administrations étatiques…

Cependant, le créateur de Jemmic voit une amélioration positive dans la nouvelle vague d’experts qui arrivent sur le marché : « J’ai l’impression qu’au niveau des jeunes diplômés, il y’a une vraie évolution des mentalités depuis environ cinq ans, une nouvelle conscience entrepreneuriale et la volonté de devenir un acteur de la réussite économique de son pays. Je trouve que c’est une excellente chose ! ». Cette vision du secteur, Jean-Pierre Schmit l’a adoptée il y a déjà sept ans, lors de la création de sa société : « Je ne souhaite pas amasser des millions, j’ai simplement envie de profiter d’un cadre de travail agréable, qui nous apporte à mon équipe et à moi un bien être mental, et de pouvoir réinvestir mes bénéfices dans la souche économique locale ». Ce qui ne l’empêche pas de toujours s’imposer un niveau d’excellence sur lequel il refuse de transiger, notamment pour garder la forte valeur ajoutée qu’il a su créer pour faire face à la concurrence.

Cette dernière se trouve sous plusieurs formes. Tout d’abord en Suisse, d’anciens partenaires comme Ergon se trouvent aujourd’hui face à Jemmic, sur un marché similaire. Ensuite les grandes sociétés de services en ingénierie informatique (ss2i) représentent des compétiteurs féroces de par leur structure et la popularité de leur nom, comme IBM ou Capgemini, ce qui leur permet d’être plus chers que les plus petites entités. Enfin, les pays émergents qui eux cassent les prix, bien que la qualité ne semble pas pouvoir être au rendez-vous : « Pour proposer un produit ou un service à la hauteur des exigences de notre secteur, il faut être au contact du client et comprendre profondément le marché. Sinon ça ne marche pas ». Il apparaît en tout cas que Jemmic ait su tirer son épingle du jeu, car sa croissance se fait pour l’instant toujours sur la consolidation de ses produits existants et le développement de sa base de clientèle, toujours dans une optique d’une plus grande viabilité et de confirmation du marché. Mais il reste encore une autre possibilité de développement qui pique l’intérêt de Jean-Pierre Schmit : augmenter la part de son activité au Grand-Duché et asseoir ainsi encore plus son statut d’entrepreneur luxembourgeois.

Fabien Rodrigues
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