« Forces externes »

d'Lëtzebuerger Land du 10.01.2025

Ne dites plus « Groupement pétrolier », dites : « Groupement énergies et mobilité ». L’organisation affiliée à la Fedil n’est pas contente. C’est qu’elle a compris que les exploitants de stations-services seront les seuls, côté patronal, à pâtir du nouveau projet de loi sur les heures d’ouvertures (lire page 11). Le texte de Lex Delles stipule que si les commerçants veulent étendre leurs heures d’ouverture au-delà du nouveau créneau (5-22 heures), ils vont devoir conclure une convention collective. Avec la FESS (lisez : Fédération des exploitants de stations-services), le Groupement a concocté un communiqué avant les fêtes : La convention collective ne serait pas un « instrument approprié », écrivent-ils. Puis de dénigrer « des forces externes » (les syndicats) et un « instrument complètement étranger » (la convention collective). Le projet de loi introduirait une « rigidité injustifiée qui freine la compétitivité ».

Le reproche de « rigidité » ne manque pas de culot, venant de la part des exploitants de stations-services. Car ceux-ci ont profité des décennies durant de beaucoup de flexibilité. Au point qu’un certain nombre de stations-services géraient leur convenience store dans une… zone (légale) grise ; « et encore c’est une manière gentille de le dire », estime Lex Delles face au Land. De nombreuses stations-services situées dans les localités (sur les autoroutes, d’autres règles s’appliquent) opéraient ainsi dans une quasi-illégalité. Car si la loi de 1995 les autorise à garder ouvert leur shop au-delà des horaires légaux, celui-ci ne doit pas dépasser une surface de vingt mètres carrés.

Le président du groupement pétrolier (et directeur d’Aral Luxembourg), Eric Bleyer, en convient : « Cette taille n’était jamais – ou presque jamais – respectée. Mais la manière dont nous travaillions arrangeait tout le monde, employés, clients, politiciens. Et dans ce sens cela ne dérangeait personne. » Une belle illustration du pragmatisme luxembourgeois. Mais lorsqu’en 2017, la Cour constitutionnelle jugeait qu’il existait une inégalité de traitement entre la Tankstell et le Bäcker, tous les deux vendant du pain, le compromis commençait à vaciller. Pour ouvrir après 22h00 en semaine ou 19h00 le samedi, les stations-services devront conclure des conventions collectives. « Un scandale », aux yeux de Bleyer. Les entreprises (souvent des structures indépendantes) seraient trop petites. Pourquoi la Fedil ne négocierait-elle pas une convention sectorielle pour l’ensemble des stations-services ? Cela est du domaine de l’inimaginable pour Eric Bleyer. On ne serait pas « outillé » pour mener de telles négociations. Tout au plus pourrait-il s’imaginer négocier directement avec les délégués du personnel : « Pourquoi les syndicats décideraient-ils des heures d’ouverture, et non le patron ? »

Bernard Thomas
© 2025 d’Lëtzebuerger Land