Gérard Szele

Patron au fourneau

d'Lëtzebuerger Land du 15.07.2010

Voilà tout le secret selon lui, la formule qui résume le mieux sa cuisine et sa façon de faire. Il est patron, donc il dirige tout seul sa barque familiale (sa charmante femme en salle, détail d’importance tout de même). Et il est au fourneau : il décide de l’orientation de sa carte. « Le Fin gourmand » c’est lui, une appellation trouvée il y a presque trente ans à laquelle il veut toujours rester fidèle. « Chez nous, la quantité dans les plats est aussi importante que la qualité et la recherche des produits, ce qui n’était pas la norme quand j’ai commencé. À l’époque seule comptait l’extrême finesse des mélanges de saveurs ». Résultat, une clientèle d’habitués et de futurs habitués qui viennent surtout grâce au bouche à oreille. Gérard Szele est Français de par sa mère, Hongrois de par ses « r » roulés et son père, mais Luxembourgeois de cœur et d’adoption. Voilà maintenant vingt-huit ans qu’il s’est installé au coin de la route d’Esch et du quartier de Belair et qu’il s’y sent bien. Indéboulonnable gourmand raffiné.

Pourtant rien ne prédestinait ce fils de diplomate à s’installer à Luxembourg et encore moins à s’adonner à la restauration. De son enfance passée à Moscou puis à Budapest, il a gardé beaucoup de souvenirs, les langues et une grande curiosité pour les autres et leurs cultures. La cuisine ? Une passion depuis tout petit grâce à deux femmes, « deux cuisinières exceptionnelles, ma grand-mère et ma tante », confirmée des années plus tard, lors d’une formation en hôtellerie déjà bien entamée, par la rencontre à Bruxelles avec « une autre grande cuisinière, ma grand-mère d’adoption. Elle avait été la cuisinière du roi des Belges.»

Ses études, le service militaire, puis son travail l’ont amené progressivement dans la grande région. L’Allemagne, la France, la Belgique… forcément, Luxembourg, il connaissait, mais de là à s’y installer… « Mon premier poste après le service militaire devait être en Afrique du Sud. Mais il y a eu la guerre civile et tout a été annulé. J’ai donc accepté un travail à Luxembourg en me disant que c’était pour un an ou deux. C’était au début des années 1980. »

Une occasion s’est présentée peu après de reprendre ce qui avait été une ancienne maison luxembourgeoise Le Radar. Gérard Szele décide de franchir le pas et d’ouvrir son propre restaurant en 1986. Il se lance tant bien que mal, tente de convaincre des partenaires financiers quelque peu effarouchés par sa fraîcheur. « J’ai eu la chance de rencontrer un banquier qui m’a fait confiance. Il m’a dit qu’il croyait en mon avenir et en ce que je faisais. Aujourd’hui, c’est toujours un client. »

Gérard Szele s’est frotté à différentes vies avant d’opter pour la restauration et le Luxembourg. Mais ce choix, il ne le regrette pas. « J’ai beaucoup voyagé et vécu dans pas mal de pays avant de venir ici. J’ai eu l’occasion de comparer, de comprendre ce qui était bon pour moi. » Hors de question pour autant de cesser de voyager, ce serait passer à côté de sources d’inspiration inépuisables explique ce grand arpenteur de marchés devant l’éternel.

En trente ans, ce fin gourmand constate que sa cuisine a profondément changé. Plutôt classique à la française à ses débuts, il avoue aujourd’hui s’être beaucoup plus ouvert au monde. Les saveurs nouvelles l’émoustillent, le travail de produits exotiques aussi, mais toujours en parallèle avec des plats qui respectent les coutumes et les producteurs locaux. Ainsi les clients ont toujours le choix entre cuisine de tradition et cuisine de mélanges. La clientèle aussi a beaucoup évolué estime Gérard Szele. « Il y a vingt ans, c’était quasiment impossible de faire découvrir quelque chose. Mais les gens voyagent beaucoup plus maintenant, ils sont plus ouverts à la nouveauté. Ils savent que sur ma carte ils peuvent trouver un peu de tout, que mes produits sont frais, et que tout est fait maison. Voilà ce qui m’importe. »

Un nouveau défi culinaire se profile à l’horizon, l’arrivée prochaine à ses fourneaux d’un autre Szele, son fils aîné qui a choisi de marcher sur les traces de son père. « Dans une grande maison comme celle-ci, il y a de la place pour tout ceux qui veulent créer » se réjouit Gérard Szele. Inutile de dire que l’on ne chômera pas en cuisine… Le Fin Gourmand, 2 Route d’Esch, Tél: 44 23 92

Romina Calò
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