Gope 2003

Gagner du temps

d'Lëtzebuerger Land du 29.05.2003

« Nous avons confirmé le modèle luxembourgeois, » résumait, non sans fierté, le président du Conseil économique et social Gaston Reinesch le dernier avis de l'organe consultative. Il s'agit de la position des partenaires sociaux réunis au CES sur les « grandes orientations de politique économique » (Gope), adressées par Bruxelles au Grand-Duché. Ils y réaffirment leur volonté de conjuguer « l'équité sociale et la compétitivité économique » tout en répétant que de part et d'autre « chacun est prêt à prendre ses responsabilités ».

Patronat et syndicats ont donc réussi à formuler une position commune sur les grandes lignes que la Commission européenne recommande au Luxembourg en matière de politique économique. La situation actuelle est pourtant interprétée de manière fondamentalement différente par les employeurs et les syndicats. Pour les premiers, le ralentissement conjoncturel cache des faiblesses structurelles qu'il faudrait redresser au plus vite. Pour les seconds, il ne s'agit que d'une mauvaise passe avant que la croissance ne reprenne de plus belle.

Alors que les prévisions économiques sont floues, les partenaires sociaux ont évité la rupture en s'achetant plus de temps. On attendra de voir comment l'économie locale évoluera d'ici 2004. 

Le CES a, en attendant, résumé le « pacte de non-agression » actuel en matière de sécurité sociale et, surtout, en matière d'« index » afin de préciser les « responsabilités » des uns et des autres. « Le mécanisme d'indexation assure qu'il n'y a pas d'érosion du pouvoir d'achat et, à condition que l'on maintienne la stabilité des prix, n'est pas source d'effets anti-compétitifs qui ne sont pas compensés par la stabilité sociale, que ce mécanisme engendre, et par la sérénité qu'il introduit dans les négociations salariales, » écrit l'organe consultatif.

En retenant surtout le critère de la stabilité des prix, le patronat a en fait confié l'avenir de l'« index » à la Banque centrale européenne (BCE) et à sa capacité de maintenir l'inflation sous contrôle autour de deux pour cent par an. L'autre critère implicite est que les prix au Luxembourg devront rester en ligne avec ceux des pays voisins. En retour, les syndicats continueront à négocier la majorité des conventions collectives au niveau d'entreprises individuelles et en prenant en compte leur situation particulière. La menace qui sous-tend prévoit la négociation systématique d'accords au niveau national, ou du moins sectoriel, comme c'est la pratique - moins flexible - dans les pays voisins.

Dans les Gope 2003, la Commission a recommandé au Luxembourg de réformer son droit de concurrence, d'encourager et de faciliter la création de PME et de réexaminer les incitations à la retraite anticipée afin d'augmenter le taux d'activité des Luxembourgeois. 

Le CES n'était pas d'humeur à utiliser les Gope pour secouer le gouvernement. Au contraire : la plupart des recommandations sont relativisées par les partenaires sociaux. La réglementation sur les prix ne serait de toute façon plus appliquée ; les PME c'est bien, mais il faudra continuer à attirer des capitaux et compétences étrangères au Luxembourg ; et le taux d'emploi ne peut être accepté comme critère absolu au Luxembourg, puisqu'il ne tient pas compte du phénomène des frontaliers. 

La fin du consensualisme à la luxembourgeoise n'est donc pas pour demain.

 

Jean-Lou Siweck
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