Enovos s.a.

Un pacte bien encombrant

d'Lëtzebuerger Land du 10.09.2009

Qui va racheter la participation d’ArcelorMittal dans Enovos, le distributeur d’énergie luxembourgeois, issu de la fusion de Cegedel S.A., Soteg S.A. et SaarFerngas AG ? La question se pose depuis près de six mois maintenant, depuis que les représentants du groupe sidérurgique ont officiellement annoncé aux membres du conseil d’administration d’Enovos leur intention de céder les 25 pour cent dans le capital de l’énergéticien, racontent des sources proches du dossier. La crise économique avait amené les dirigeants d’ArcelorMittal à s’interroger à la fin de l’hiver dernier sur l’opportunité de conserver des participations dans des secteurs qui ne font pas partie de son core-business, comme l’énergie. Les actionnaires existants d’Enovos – État avec 39 p.c. du capital; RWE Energy (20) ; E.ON Ruhrgas (11) et Électrabel (groupe GDF Suez) avec 5 p.c. – ont un droit de préemption sur cette participation, en vertu d’un pacte d’actionnaire dont le contenu n’est pas public. 

Les partenaires industriels ont montré un certain intérêt de principe pour la reprise de ces actions, mais le prix demandé par ArcelorMittal serait à leurs yeux excessif. Le partage peut théoriquement se faire au prorata de leur participation existante, avec toutefois des limites pour deux des actionnaires. Ce scénario serait toutefois exclu. Chacun devrait donc se positionner individuellement. 

Ce qui complique singulièrement le jeu. RWE Energy ne peut pas dépasser le seuil des 33 pour cent dans le capital d’Enovos. De son côté, GDF Suez, qui ne détient via sa filiale belge qu’une participation minoritaire, pourrait avoir plus de chances de monter en puissance. Logiquement, les trois groupes énergétiques que sont E.ON, RWE et GDF Suez refusent l’arrivée d’un concurrent extérieur qui viendrait manger dans la même gamelle qu’eux. De son côté, l’État luxembourgeois n’est pas disposé à monter en grade dans le capital d’Enovos pour porter sa participation au-delà de 50 pour cent, ce qui serait le cas quel que soit d’ailleurs le scénario envisagé (augmentation de sa participation au prorata des titres actuellement détenus ou rachat en solo). 

Le pacte d’actionnaire l’empêche-t-il de détenir cette majorité, tout comme il défendrait à RWE de se hisser au-delà de la majorité de blocage ? Si les autorités ne veulent pas entendre parler de « nationalisation », assure-t-on, c’est parce qu’elle signifierait de « faire le jeu » des syndicats, qui n’ont de cesse de stigmatiser la libéralisation du secteur énergétique et demander à l’État de reprendre la main au nom de l’intérêt général luxembourgeois. 

L’argument ne vaut pas tripette. La présence dans le capital d’Enovos d’ArcelorMittal, qui n’a de luxembourgeois que le siège social et encore quelques sites de production, avec la combinaison des participations de l’État et de la SNCI, donnaient l’illusion de garantir l’intérêt économique national. Le départ non programmé d’ArcelorMittal va faire voler en éclats cette construction. De toute façon, même si l’État luxembourgeois n’était pas coincé par ce pacte d’actionnaire, dont on ignore tout, sa capacité à investir reste limitée, en raison de la disette budgétaire. Un dernier scénario de reprise à l’étude (qui aurait le mérite de satisfaire à peu près tout le monde), serait l’arrivée d’un nouveau partenaire financier. Il y aurait pas mal de contacts. Mais là encore, la question coincerait sur le prix du vendeur.  

Véronique Poujol
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