«  Meng Delegéiert  »

d'Lëtzebuerger Land du 23.05.2025

Le président de l’UEL, Michel Reckinger, veut « montrer patte blanche » et assure de « sa bonne foi »: « Nos propositions n’ont rien d’anti-social ! » La conférence de presse de l’UEL sur « la modernisation du droit du travail » avait été deux fois repoussée (pour ne pas « embrouiller » le Sozialdësch), elle a finalement eu lieu ce jeudi, alors que la mobilisation syndicale bat son plein. Le Premier, avec les ministres de l’Économie et du Travail, aurait tenté de « bâtir des ponts » : « Une tentative sincère de rapprocher les positions », dit le directeur de l’UEL, Marc Wagener. Reckinger est passé, lui, dans un mode plus combattif : « De Premier huet keng, soll keng, wäert keng Weisungsbefugnis hu fir hei ze tranchéieren. » La question serait à traiter au sein du CPTE.

Pour le reste, l’UEL a résumé ses anciennes revendications, des classiques du répertoire patronal depuis les années 1930. Il faudrait laisser les patrons négocier directement avec les délégués du personnel « neutres », du moins dans les entreprises sans présence syndicale. Ces accords d’entreprise (des conventions collectives light) devraient essentiellement porter sur l’organisation du travail : Heures supplémentaires, pauses, télétravail. Reckinger estime qu’il s’agit d’une question purement « procédurale », les syndicats pourraient garder leur monopole pour les conventions collectives. L’UEL présente sa proposition comme un « empowerment » des délégués.

Or, le monopole syndical n’est pas tombé du ciel. « Le travailleur seul devant son patron ne peut résister à la pression que celui-ci fera peser sur lui pour l’amener à accepter les conditions de travail qui lui sont proposées », lit-on dans les travaux préparatoires à la loi de 1965 sur les conventions collectives. En 2014, le magistrat Jean-Luc Putz (passé depuis chez Arendt) notait que « l’employeur se retrouve face à des délégués peu expérimentés en la matière, se trouvant sous son autorité disciplinaire immédiate. » (C’est pourquoi le Code du travail stipule que les syndicats doivent justifier « d’une indépendance organisationnelle, ainsi que d’une autonomie financière » vis-à-vis de l’employeur signataire.) En cas de besoin, les délégués pourraient toujours faire appel à des experts externes, estime Reckinger. En même temps, il utilise systématiquement le pronom possessif : « meng Delegéiert ».

Reste un petit pépin. Pour assurer la « sécurité juridique » de ces accords d’entreprises, il faudrait flexibiliser les heures de travail, c’est-à-dire réformer en profondeur le Code du travail. (Le « principe de faveur » interdit de conclure des accords qui seraient en-deçà du cadre légal). Un tel « update du logiciel » créerait de la « marge de manœuvre » et donnerait de la « Loft zum Otmen ». Mais attention : « On ne veut pas le far west », ont répété Wagener et Reckinger. L’UEL veut croire que Luc Frieden ouvrira cette autre boîte de Pandore. Cela faisait longtemps que l’UEL attendait un gouvernement réceptif. « Nous saisissons l’opportunité, c’est légitime ».

Bernard Thomas
© 2025 d’Lëtzebuerger Land