Aujourd’hui, rares sont ceux qui pratiquent les danses folkloriques luxembourgeoises, au regret d’Antoinette Hoschet,
engagée pour leur préservation

La danse du peuple

d'Lëtzebuerger Land vom 08.09.2023

Petits pas, virevoltes légères et inclinaisons élégantes, les couples s’éloignent et se rapprochent de nouveau, s’entremêlent, la mélodie est lente. Soudain, le rythme se condense, les mouvements s’accélèrent et les danseurs tapent du pied en cadence. Enfin, les hommes s’agenouillent tous devant le public et soulèvent leur chapeau avec une exclamation finale. C’est le Séier Maklott, l’une des trente danses folkloriques répertoriées au Luxembourg et celle qu’Antoinette Hoschet préfère. Notamment à cause de cette accélération du rythme. La jeune femme préside le groupe de danse de la Vallée des Sept Châteaux de Mersch. Elle travaille également au conseil d’administration de l’Union Grand-Duc Adolphe (UGDA), la Fédération nationale du mouvement associatif de la musique chorale et instrumentale, du folklore et du théâtre du Grand-Duché de Luxembourg. Ces danses et chants datent majoritairement des 18e et 19e siècles et auraient pu disparaître si, dans les années 1930, un groupe de personnes (se réunissant régulièrement dans le mouvement des auberges de jeunesse) n’en avaient pas pris conscience et n’avaient pas fait de recherches documentaires. Avec l’aide d’historiens, d’ethnologues et de musicologues, les costumes, les mélodies et les pas de danse ont pu être reconstitués. Après la Seconde Guerre mondiale, des clubs folkloriques ont restitué et préservé ces connaissances.

Ces groupes de danse folklorique s’entraînent deux heures par semaine afin de réaliser des spectacles mais aussi pour des fêtes telles que l’Éimaischen, la fête nationale ou encore la fête de la musique. « En juin, on a aussi participé aux Rendez-vous aux jardins, un projet proposé par le ministère de la Culture depuis cinq ans maintenant. Nous avons dansé dans le jardin du foyer pour aveugles de Mersch », se réjouit Antoinette Hoschet. En plus des événements locaux, les danseurs et danseuses représentent aussi leur pays à l’étranger, comme lors des Folkloriades Mondiales organisées tous les quatre ans par le Conseil international des organisations de festivals de folklore et d’arts traditionnels (CIOFF). En 2016, la présidente du groupe de Mersch est ainsi allée au Mexique : « On a dû créer un nouveau groupe car plusieurs habitués ne voulaient pas partir si loin. Au final, on était 26 dont seulement trois Luxembourgeois », se rappelle la danseuse, avant d’ajouter : « On représente le Luxembourg comme il est, multiculturel depuis des années ».

Hoschet s’adonne à ces danses traditionnelles depuis ses six ans : « Mon père était musicien dans les groupes de folklore et il nous y amenait, ma sœur et moi. J’étais une enfant et les costumes, la danse ça m’a plu… donc voilà j’y suis encore aujourd’hui ! ».. Mais cet attrait pour les danses folkloriques se raréfie. À Mersch, au début des années 2000, on comptait au moins une cinquantaine de membres. Ils ne sont aujourd’hui plus qu’une douzaine à danser. La même diminution s’observe dans les deux autres groupes existants au Grand Duché, à Luxembourg-ville et à Bettembourg. « C’est difficile de trouver de nouvelles personnes qui s’intéressent à ça », regrette la jeune femme. Malgré les épreuves ouvertes, les ateliers et les représentations, seuls quelques-uns prennent part à un ou deux entraînements… mais ils ne reviennent plus ensuite. La trentenaire est ainsi la plus jeune de son groupe et s’inquiète de la relève : « Je pense qu’au Luxembourg on a un gros souci car les gens ne s’intéressent pas à leur culture ou ils ne savent pas que telle ou telle chose en fait partie », estime-t-elle, prenant l’exemple de la Schueberfouer : « Tout le monde y va mais les gens ne se rendent pas compte que c’est une tradition ». Dans d’autres pays, la culture et la danse revêtent plus d’importance, comme le prouvent les 39 groupes de folklore portugais présents au Grand-Duché.

L’inscription des danses folkloriques à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel du Luxembourg en octobre 2020 redonne néanmoins espoir à Antoinette Hoschet car cela signifie qu’elles feront partie des discussions en classe, ce qui poussera peut-être les jeunes à s’y intéresser. Bien qu’elle ne se considère pas comme « une très bonne enseignante », elle est aussi prête à transmettre ces danses traditionnelles. « Derrière chaque danse il y a une histoire », rappelle la passionnée, qu’elle symbolise les pratiques agricoles, la séduction ou les combats. Le folklore ce n’est pas seulement la danse, mais aussi le chant. Aussi, le programme prévu pour la journée du patrimoine immatériel du 30 septembre est composé de chants et danses folkloriques, tantôt mêlés dans une même représentation et tantôt performés séparément. Le public y verra des danses de cour comme la Lues, la Séier et la Eifeler Maklotte, des danses paysannes comme la Karschnatz - représentant le fait de faucher et récolter l’herbe - ou la Meschttreppler - celui de préparer le fumier, mais aussi celles qui ont été dansées lors des fêtes de village pour trouver un partenaire telles que la Pik Polka ou la Schleek. D’après Hoschet, ces danses luxembourgeoises doivent être préservées au même titre que les cathédrales, les châteaux ou les Casemates du Bock. « Si plus personne ne préserve son patrimoine, alors tout le monde va se ressembler et les différences, c’est ce qui rend le monde intéressant ».

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Yolène Le Bras
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