Netanyahou n’est peut-être pas antisémite, mais il est sûrement le pire ennemi des Juifs. Si Hitler, de par son Crime et à son corps défendant, a « réussi » à rendre possible la création de l’État d’Israël, Netanyahou est en train de travailler à la disparition de ce pays. Ce qui serait une catastrophe. Si Hitler a, bien malgré lui, rendu leur judaïté à une diaspora sécularisée et, pour une bonne part, assimilée, Netanyahou se livre à l’érosion des valeurs juives, héritées du Livre. Et si je recours aujourd’hui, dès les premières lignes de mon billet, au point Godwin (qui veut que, tôt ou tard, toute discussion dérape vers le nazisme), c’est que les sbires de Bibi ont eux-mêmes cédé à la tentation de traiter de nazi l’adversaire. En accusant le Hamas d’employer les méthodes du Troisième Reich, certains ministres du gouvernement israélien ont fait preuve de négationnisme en banalisant ainsi l’horreur et l’unicité de la shoah. <br/>Un autre mot se trouve aujourd’hui banalisé et vidé de sa spécificité, celui de génocide. L’assassinat par Tsahal de plus de 50 000 Gazaouis, dont une majorité de civils et d’enfants traqués jusque dans leurs écoles et hôpitaux, constituent, à n’en pas douter, des crimes de guerre voire un crime contre l’humanité, mais il n’en fait pas pour autant un génocide. Les victimes à Gaza ne sont pas éliminées parce qu’elles sont nées, comme ce fut le cas des Juifs sous Hitler ou des Arméniens sous les Turcs, mais parce qu’elles habitent. Parce qu’elles habitent une zone où règne le Hamas, un petit lopin de terre dont Netanyahou veut faire une colonie juive et Trump une Riviera. Et parce qu’elles sont aussi le corollaire d’une Sippenhaft, d’une responsabilité clanique qui ne veut pas dire son nom, sauf dans la bouche d’un Ben-Gvir ou d’un Smotrich, ministres israéliens d’extrême-droite criminels d’un Premier ministre qui ne l’est pas moins. <br/>Pour se maintenir au gouvernement et ne pas aller en prison, ce dernier a trouvé dans le Hamas un allié objectif dans son refus absolu de la paix. Pour sauver sa tête, il sacrifie les otages et son peuple. Tout en sacrifiant l’État de droit par le vote de lois discriminatoires contre la minorité arabe et l’ignorance de jugements du troisième pouvoir. Le monopole du cœur que le peuple juif a gagné après l’Holocauste dans les chancelleries européennes et nord-américaines est en train de changer de camp, et les Occidentaux, indéfectibles alliés d’Israël, ne voient plus guère d’autre solution que de brandir des sanctions contre leur protégé en venant même à envisager, y compris les Allemands, un embargo d’armes. Car il est vrai que le peuple israélien continue à maintenir Bibi au pouvoir et à communier dans la haine (justifiée) du Hamas qu’il assimile cependant au peuple palestinien dans sa totalité. L’organisation terroriste devient ainsi une métonymie qui prend la partie pour le tout. Des consciences juives élèvent cependant (enfin !) leur voix contre le double massacre de Netanyahou. Elles ont fini par comprendre que la survie de leurs valeurs est liée à celle du peuple palestinien. Car dans cette terre, autrefois appelée sainte, deux frères en sémitisme sont en train de s’entretuer, un peu comme Polynice et Étéocle, les deux fils d’Œdipe. Se trouvera-t-il encore une Antigone pour les enterrer ? Et pour enterrer avec eux l’idée de deux nations dans une terre dont il serait triste qu’elle n’en porterait plus aucune. <br/>Alors, mes sœurs et frères qui habitez entre Jourdain et Méditerranée, chassez votre Premier ministre plutôt que vos voisins, afin que les vers de Hiba Abu Nada, la poétesse palestinienne assassinée l’an dernier, ne se réalisent pas : « Et si un jour, ô Lumière / Toutes les galaxies / De tout l’univers / N’avaient plus de place pour nous. » Et que la diaspora juive, en se couchant le soir, ne communie pas dans la nostalgie de leur poète Heinrich Heine : Denk ich an Judäa in der Nacht / bin ich um den Schlaf gebracht.
Pierre Sorlut
Kategorien: Internationale Politik, Regierung
Ausgabe: 23.05.2025