Député Déi Lénk à la Chambre, Marc Baum est aussi acteur de théâtre. Deux métiers qu’il exerce par intermittence, avec la même ferveur

Tribüne und Bühne

d'Lëtzebuerger Land du 06.06.2025

Lundi, entre deux commissions parlementaires (économie le matin, Caritas l’après-midi), Marc Baum a filé au Théâtre national du Luxembourg (TNL). En ce moment, il répète Versions des faits, une pièce écrite par Nathalie Ronvaux dont la première sera jouée le 18 juin. « C’est costaud, d’autant plus que la pièce est en français, ce qui me demande davantage de travail », admet-il face au Land. Après cette grosse journée, il savoure une bière en terrasse, en face de la Chambre. Sa veste ressemble à un bleu de travail qu’il porte sur une chemise à col Mao : On voit des symboles où on veut.

Ces dernières semaines, le député multiple les interventions tant sur le dossier Caritas que sur la réforme des pensions. Sujets sur lesquels ses collègues au Parlement saluent son éloquence. « Même si on n’est pas toujours d’accord, c’est toujours un plaisir de l’écouter : il est le meilleur orateur de la Chambre », confie Corinne Cahen (DP). Marc Baum reconnaît volontiers que sa formation de comédien lui donne non seulement une bonne diction, une façon claire de poser sa voix pour être mieux écouté, mais aussi « une conscience de la scène et une capacité à assumer et structurer un discours, même minoritaire ».

La comparaison entre la tribune de la Chambre et la scène de théâtre s’arrête là. « En politique, on parle de soi-même et de ses convictions alors qu’au théâtre, on joue un rôle, parfois très éloigné de notre vie », glisse-t-il. Il se souvient qu’il a interprété le rôle d’Eichmann dans la pièce éponyme de Serge Wolfsperger et Gilles Guelblum sur le procès du criminel nazi, « pas du tout moi, évidemment ! »

La politique et le théâtre sont indissociables dans la vie de Marc Baum. L’un et l’autre contribuent à son équilibre personnel. Ces deux voies ont d’ailleurs surgi à la même époque et se sont développées en parallèle quand il étudiait au Lycée Hubert Clément à Esch. Il fréquente la troupe lycéenne Namasté et s’inscrit en diction et art dramatique allemands au conservatoire d’Esch. Il ne se souvient pas forcément des premières pièces qu’il a jouées, mais plutôt de l’enthousiasme de « produire quelque chose collectivement ». Dans ce contexte, il participe à quatorze ans à un festival européen de théâtre lycéen : « Une expérience incroyable avec des jeunes venus d’une demi-douzaine de pays. J’ai un souvenir très fort et très beau de ce multiculturalisme. » Les ferments de ses engagements politique et culturel sont déjà là.

En 1995, en tant que délégué de sa classe, Marc Baum participe à la mobilisation des élèves contre la hausse du prix de la carte Jumbo. Il rejoint une coordination nationale d’élèves qui organise une grève et une grande manifestation. Dans ce contexte, il rencontre André Hoffmann et le parti Nei Lénk, récemment créé par des réformateurs, anciens membres du Parti Communiste Luxembourgeois (KPL). Le caractère et l’engagement de l’ancien député communiste fascinent le jeune Marc Baum : « Il m’a conquis par sa personnalité, son discours et aussi par la manière dont il prenait les jeunes au sérieux. Je trouvais ça vraiment convaincant. » Le lycéen s’intéresse à la politique eschoise, il lit les rapports du conseil communal, en discute avec Hoffmann et participe à des réunions de cette « nouvelle gauche ». Le voilà lancé sur les rails politiques avec une « première mission » : Rédiger un article pour la rubrique « Zu Gast » dans le Land du 17 septembre 1997. Sous le titre « Sozial ungerechte Schule », il dénonce le faible taux de réussite des élèves étrangers dans les lycées luxembourgeois et souligne les inégalités sociales face aux écoles privées.

Après le bac (en section scientifique, « obtenu grâce à la bienveillance de quelques profs »), Marc Baum prend la direction de Munich pour des études en littérature allemande, puis de théâtre à Berlin. Frank Hoffmann le directeur du TNL nouvellement créé cherche un jeune acteur pour Traumspiel d’August Strindberg, la pièce d’ouverture du théâtre. « Je n’avais que 19 ans et j’ai tout de suite intégré le circuit théâtral luxembourgeois, au TNL et aux Capucins », se remémore-t-il. En 2001, sa participation à une coproduction avec un théâtre de Potsdam le persuade que sa carrière de comédien est lancée : « J’avais du boulot sans avoir fini mes études, alors j’ai arrêté avant mon diplôme », explique-t-il, un peu amer. Aujourd’hui, il regrette « de ne pas avoir achevé quelque chose que j’avais commencé. »

Entretemps, sur le front politique, Marc Baum participe à la fondation de déi Lénk. « Je ne participais pas aux négociations entre Nei Lénk et le KPL, mais j’ai assisté au premier congrès en janvier 1999. » Il se présente ensuite aux élections communales anticipées d’Esch en 2000. André Hoffmann, déjà député, accède alors au poste d’échevin. Ce siège au conseil communal d’Esch est conforté en 2005. Grâce au principe de rotation, Marc Baum, deuxième élu, reprend le mandat d’André Hoffmann en 2008. L’acteur termine premier de la liste Déi Lénk lors des élections communales de 2011, 2017 et 2023, mais ne parvient pas à éviter l’érosion des scores de son parti.

Par cette même règle de rotation, Marc Baum il prend le relais de Serge Urbany à la Chambre des députés en 2016. Le scrutin de 2018 le reconduit, tout comme celui d’octobre 2023. À mi-mandat en 2026, il devra céder son siège à Gary Diderich. En interne, Déi Lénk réfléchit à ce système de rotation. « Cet outil empêche la cristallisation autour d’une poignée de figures. Il garantit un rajeunissement et une féminisation. L’enjeu consiste à manier ce mécanisme d’une façon intelligente dans le respect de ces deux grands principes », estime le député.

« Si je participais aux décisions internes à Déi Lénk, je voterais contre la rotation », imagine Sam Tanson, députée dont le parti Déi Gréng a renoncé à la rotation à la fin des années 1990. Assise presque devant Marc Baum au sein de la Chambre, l’écologiste apprécie particulièrement « sa manière très fine d’approfondir les dossiers et la qualité de ses interventions, souvent pertinentes ». Elle note aussi son grand sens de l’humour. Des qualités que lui reconnait aussi Paul Galles (CSV) : « C’est quelqu’un de très bien informé, hyper intelligent, parfaitement éloquent, et un grand défenseur de droits. » Liz Braz (LSAP) met en avant sa liberté de ton et sont franc-parler : «  Marc Baum affirme haut et fort ses convictions et y reste fidèle. À la Chambre, il peut se montrer trop idéologique, mais au conseil communal d’Esch, nous sommes souvent alignés. »

Sur le dossier des retraites, Marc Baum a démontré une connaissance approfondie. Déjà, lors de la réforme des pensions de 2012, il accompagne Serge Urbany comme attaché parlementaire. « J’ai beaucoup appris. Depuis, j’ai développé une certaine assiduité pour suivre ce thème, pour rentrer dans les détails. Je me surprends à me passionner pour la technicité des dossiers ». Il retrace toute l’évolution des discours sociaux depuis les années 1960-70. « Même les politiques les plus conservatrices, dans une logique d’État providence, laissaient au moins l’écume aux gens. C’est ce que Frieden brise. Il fait tabula rasa de tout ce que nous connaissions dans le dialogue social à la luxembourgeoise. » Marc Baum considère que la manifestation du 28 juin offira un bon baromètre : « Si la mobilisation est faible, ce sera la fin du syndicalisme. Si elle est forte, le gouvernement devra repartir à zéro. Il y a des voix au DP et au CSV qui ne sont pas d’accord avec Frieden. »

Les questions liées à la politique culturelle motivent évidemment le député-comédien. Engagé au sein de l’Aspro (Association luxembourgeoise des professionnel·le·s du spectacle vivant), il milite pour une amélioration du droit du travail et de la rémunération des artistes. Il s’investit aussi sur les questions d’accès à la culture. « Nous devons renforcer l’interface entre l’éducation et la culture pour que celle-ci fasse partie intégrante du programme scolaire. » Il souligne encore l’importance de la médiation, régulièrement mise en avant par les ministres successifs, mais dont « on ne voit pas vraiment d’avancée. »

Fin avril, lors du congrès de Déi Lénk, Marc Baum, proche de ses 47 ans, figurait parmi les intervenant les plus âgés. Le parti a enregistré une augmentation du nombre de ses membres, surtout des jeunes. En contact régulier avec Die Linke en Sarre et en Rhénanie Palatinat, il espère tirer des enseignements de leurs stratégies, en particulier sur la communication et les réseaux sociaux. Des échanges ont également lieu avec le PTB en Belgique ou LFI en France, « on peut toujours apprendre des autres ».

En dehors de la politique et du théâtre, Marc Baum ne se connaît pas vraiment de loisirs. « Je bois et je mange », sourit-il. Cet été, il partira peut-être au Monténégro avec un ami, mais passera surtout du temps dans sa petite maison de l’Oesling. « Les randonnées près du lac sont le meilleur moyen de reprendre des forces ».

France Clarinval
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