Ticker du 5 mars 2021

d'Lëtzebuerger Land vom 05.03.2021

Une condamnation salée
Le promoteur Flavio Becca (photo : sb) a été condamné ce jeudi à deux ans de prison (intégralement assortis de sursis) pour abus de biens sociaux et blanchiment-détention dans l’affaire des 859 montres de luxe achetées (entre 2004 et 2011) par l’intermédiaire de ses sociétés pour une valeur totale de 18 millions d’euros. Devant un parterre de journalistes et en l’absence du prévenu (toutefois représenté par son homme de communication Serge Estgen), le juge Marc Thill a prononcé en sus une amende de 250 000 euros, mais surtout la confiscation de « toutes les montres saisies à l’exception des montres à restituer à Promobe » (société de Becca qui en avait acheté 319 en tant qu’investissement gardé à son actif), ainsi que celles qui n’ont pas été saisies, mais qui sont reprises dans le relevé du 20 août 2015 établi par la police judiciaire. On parle là de 187 toquantes pour lesquelles le tribunal fixe 20 000 euros d’amende subsidiaire par unité en cas de non restitution, soit 3,74 millions d’euros au total. La contrainte par corps est établie à 200 jours par montre. Contacté, Flavio Becca indique qu’il interjette appel. La partie civile Ikodomos, groupe d’Éric Lux, co-investisseur de Flavio Becca (à Gasperich via le fonds Olos) qui a tenté de faire valoir un dommage en termes de réputation, a été déboutée. pso

Mouget empêtré dans les affaires
L’expérimenté homme d’affaires Dider Mouget, 63 ans, s’embarque dans un conflit judiciaire avec son jeune partenaire en investissement dans l’immobilier Brice Ménégaux, 32 ans. L’ancien Managing Partner de PwC (photo : pg, en 2014) s’oppose au tribunal des référés à sa révocation de la gérance de la société Trium Re dont il était actionnaire majoritaire. Son avocat Olivier Poelmans (Clifford Chance) et Nicolas Thieltgen (Brucher, Thieltgen & Partners), celui de ses co-investisseurs, son épouse l’ex-avocate Marie-Béatrice Noble (fondatrice de MNKS) et son ancien associé du Big Four, Pascal Rakovsky, ont plaidé lundi dans une procédure dite « de l’urgence » pour contester le licenciement de Didier Mouget et installer un administrateur provisoire à la tête de Trium Re. MM. Poelmans et Thieltgen suggèrent la nomination de Yann Baden, qui gère « tout seul depuis deux ans le fonds Olos, le pauvre », pour reprendre les termes de la présidente du tribunal. La Sicav-Sif Olos détient les immeubles et terrains du ban de Gasperich disputés par les promoteurs Flavio Becca et Éric Lux.
« Monsieur Mouget a perdu ses indemnités et ses capacités de gérance. Il n’est plus qu’associé dans la société et manque d’informations. Ses droits sont particulièrement en péril », a plaidé Olivier Poelmans. « Nous sommes extrêmement inquiets », a renchéri Nicolas Thieltgen au nom de ses mandants, qui ont perdu à la gérance la personne en qui ils avaient confiance. En janvier, une augmentation de capital, qualifiée de « quasi hold up » par Nicolas Thieltgen a placé Didier Mouget en associé ultra minoritaire. « Avec un million d’euros de nantissement, Brice Ménégaux (via l’une de ses sociétés, ndlr) a repris plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissements », s’est plaint l’avocat des proches de Didier Mouget.
Le groupe Trium a été créé en 2017 par Brice Ménégaux, neveu du patron de Michelin (géant français du pneu). Il rassemble environ 90 millions d’euros d’actifs représentés par des immeubles à Capellen (Westside, 11 500 mètres carrés de bureaux), Ettelbruck (Delhaize) et Strassen. Didier Mouget a été introduit auprès de l’investisseur français durant l’été 2018 et a investi en mars 2019 par voie d’émission obligataire dans le groupe Trium. Au lancement du fonds, Didier Mouget a prêté cinq millions d’euros à un taux d’intérêt de huit pour cent. (La partie demanderesse évalue autour de dix millions d’euros l’investissement total de l’ancien dirigeant de PwC dans le groupe Trium.)
« On fait passer mon client pour malhonnête. C’est un peu fort. La victime c’est Brice Ménégaux », a répondu son avocate Karine Vilret dans une ambiance particulièrement tendue. « Il n’y a pas de risque pour Didier Mouget. Il n’y a pas de dysfonctionnement. Mi-janvier, Monsieur Mouget a été remboursé à hauteur de 3,5 millions d’euros en intérêts », a placé l’avocate du cabinet Wildgen. Les parties se reprochent réciproquement des manœuvres déloyales. Le camp Ménégaux fait valoir l’introduction de deux citations directes contre Didier Mouget. Le tribunal des référés rendra son verdict le 12 mars, mais l’état des relations entre les investisseurs promet d’autres développements judiciaires. pso

Le cap des 5 000 milliards franchis
La Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a fait savoir lundi que l’encours des fonds d’investissement domiciliés au Luxembourg avait franchi pour la première fois le cap symbolique des 5 000 milliards d’euros à la fin du mois de janvier. Alors que les États et leurs populations luttent pour sortir de la crise à moindre mal, l’épargne rassemblée dans des véhicules luxembourgeois – dopée par un soutien monétaire de la BCE (qui ne concerne surtout que les grands investisseurs) – bat des records. L’effondrement des marchés financiers aux mois de mars et avril 2020 est désormais loin derrière. Les gérants de fonds ont opéré les ajustements vers les sociétés et les titres les plus performants. Les facteurs de production, aux premiers rangs desquels les ressources humaines, ne se réallouent pas aussi promptement que les capitaux. pso

Des idées fraîches
Idea, l’iconoclaste think tank de la Chambre de commerce recense cette semaine les changements économiques et sociaux liés à la pandémie de Covid-19 : « Le grand public a découvert que les États pouvaient s’adonner au socialisme pandémique et creuser les déficits publics sans dégradation de leur note souveraine par les agences de notation ni tension sur les taux d’emprunt, les entreprises sous-investissent en immobilier de bureau, les ménages (qui le peuvent) sur-épargnent et sous- consomment, les avions sont cloués au sol, le tourisme est avant tout local, le commerce en ligne explose, les cinémas sont désertés au profit du Netflix and chill, la bise n’est plus, les afterworks où il est bon de se montrer non plus, les restaurants d’entreprise tournent au ralenti quand ils ne sont pas fermés, la voiture de fonction offerte à des cadres en télétravail semble être un avantage indu, etc. » Dans son avis annuel, misant sur un succès de la vaccination qui mettrait fin à l’épidémie, Idea dessine quelques scénarios pour l’après. La fondation s’appuie sur un sondage (« consensus économique ») réalisé auprès de 130 « décideurs » pour annoncer une vague de faillites au deuxième semestre 2021, une stabilisation du chômage (qui a augmenté de 20,5 pour cent de fin 2019 à fin 2020) après le retrait des mesures de soutien et une prévision de croissance plutôt mitigée, entre 1,5 et 2,7 pour cent au Grand-Duché pour l’année… alors qu’un rebond mécanique spectaculaire était prédit l’an passé dans la croyance que la pandémie s’arrêterait au 1er janvier 2021 après une année 2020 cataclysmique. Idea révèle que le recul du PIB l’année dernière se limite à 1,4 pour cent. « L’économie luxembourgeoise a relativement bien adhéré à la route durant le grand confinement et la récession pandémique », notent les économistes de la fondation. Idem, sous le titre « quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console » (un aphorisme emprunté au diplomate français Talleyrand), Idea rassure sur le niveau de l’endettement public avec un déficit limité à cinq pour cent du PIB en 2020 quand il est supérieur à huit pour cent dans la zone euro. Le think tank préconise toutefois de ne pas verser dans l’euphorie, de relâcher secteur par secteur les efforts de soutien, de veiller à ce que les ménages qui ont constitué une « plantureuse épargne » (un milliard d’euros) dépensent cet argent et de protéger les populations davantage marginalisées par la crise. pso

Fukushima-sur-Moselle
Cette semaine, le député Mars Di Bartolomeo (LSAP) a réussi à provoquer une armada de trolls. Il a suffi d’un tweet s’indignant que Cattenom, « ce risque pour ne pas dire provocation à nos frontières », perdurera « pas pendant trente années, plus non plus quarante années, mais maintenant pendant cinquante années ». Une référence à l’avis de l’Autorité de sécurité nucléaire qui vient de donner son feu vert à un prolongement de la durée de vie pour certaines centrales. (Cattenom, qui a été mise en service entre 1986 et 1991, a 35 ans au compteur.) Ce message a déclenché un shit storm de la part d’une centaine de pro-nucléaire français. Florilège : « Faut bien les alimenter en électricité, les banques des paradis fiscaux qui n’en produisent pas par eux-mêmes » ; « Estime toi heureux qu’on annexe pas ton pays, enfin le plus gros paradis fiscal européen plutôt » ; « On arrête le jour où vous arrêtez d’être un paradis fiscal, ok ? » ; « Vous êtes moins loquace quand il s’agit de dénoncer le vampirisme fiscal dont votre pays se rend coupable auprès du mien » ; « On est déjà gentils de tolérer l’existence d’un duché frontalier qui ressemble à un Coblence contemporain des financiers et des fraudeurs, alors ne nous cherchez pas trop »... Au dixième anniversaire de l’accident de Fukushima, le ministre de l’Énergie, Claude Turmes (Déi Gréng), s’exhibe comme fin tacticien dans L’Essentiel, dévoilant sa tactique de triangulation : « former des coalitions » surtout avec le prochain gouvernement allemand auquel il espère que les Grüne participeront. « Je suis en train de les préparer, le but étant que l’Allemagne pousse la France à fermer la centrale, comme elle l’avait fait pour Fessenheim ». En attendant l’issue de ces jeux diplomatiques, le « groupe de travail post-accidentel » continue à travailler. Cet aréopage de fonctionnaires des ministères de la Santé, de l’Intérieur et de l’État a été formé en 2016 pour imaginer la (sur)vie sur le moyen-terme dans un Luxembourg partiellement irradié. Un exercice de rationalisation bureaucratique de l’impensable. Or, le jour X, tout dépendra de la direction du vent. Plot spoiler : Celui-ci souffle généralement du sud-ouest, direction Luxembourg. bt

Terres Rouges
In Esch/Alzette regt sich Widerstand gegen das vom Baumagnaten Eric Lux auf dem Arcelor-Mittal-Gelände Lentille Terres-Rouges geplante ökologische Luxusviertel mit dem Namen Rout Lëns. Eine Bürgerinitiative aus dem angrenzenden Stadtteil Hiël, das vor allem durch seine Arbeiterkolonien besticht, hat Beschwerde gegen den Teilbebauungsplan eingelegt und bemängelt die hohe Baudichte und die Höhe mancher Gebäude. Insbesondere zwei Hochhäuser mit mehr als 20 Stockwerken, die in keiner Weise in das historisch gewachsene Stadtgefüge passen, würden die Lebensqualität der Hiëler beeinträchtigen. Die Biergerinitiativ Esch-Hiehl Asbl vermisst auch ein kohärentes Verkehrskonzept und kritisiert das Parkraummanagement der Rout Lëns, die zwar einerseits als autoarmes Viertel konzipiert sein soll, andererseits aber einen Autostellplatz für jede der maximal 1 420 Wohneinheiten vorsieht. Eine weitere Kritik, der sich vergangene Woche auch die Escher LSAP-Sektion anschloss, bezieht sich auf die hohe Anzahl an Geschäftsräumen, die im PAP vorgesehen ist. Angesichts des eh schon desolaten Zustands der Geschäftswelt im nahe gelegenen Escher Stadtzentrum (viele Ladenflächen stehen leer), drohe dem neuen Viertel das gleiche Schicksal, vor allem, da die Anzahl an im PAP vorgesehenen Parkplätzen für Läden und Gaststätten begrenzt ist. Konkret bestehen die Befürchtungen, dass sich das grenzüberschreitende Alkohol- und Tabakgeschäft, das insbesondere an den Wochenenden floriert, vom Viertel Grenz auf die Rout Lëns ausdehnen könnte. Nicht zuletzt hatte der linke Politiker Frank Jost in einem Video auf den sozialen Netzwerken die Frage aufgeworfen, wo sich die große Wasserfläche befindet, mit der der Bauherr auf Bildern für sein Viertel wirbt. Insgesamt seien sechs Beanstandungen zum PAP Rout Lëns eingegangen, bestätigte der Escher CSV-Bürgermeister Georges Mischo gegenüber dem Tageblatt. ll

Bernard Thomas, Pierre Sorlut
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