Ticker du 3 novembre 2023

d'Lëtzebuerger Land du 03.11.2023

La lolita du BTP

« C’est pas ma faute », chantait Alizée dans son titre phare, Moi Lolita, en 2000. Le président du groupement des entrepreneurs du BTP, Marc Giorgetti, reprend l’antienne à son compte cette semaine dans le dernier numéro de L’Écho des entreprises. Pour « Gio » (photo: sb), « ce sont les banques centrales qui font la pluie et le beau temps sur le marché actuellement ». Ce qui explique qu’il n’existe « aucune demande » et qui empêche de juger l’efficacité des treize mesures gouvernementales, chiffrées à 150 millions d’euros. (Pour rappel, le taux refi de la BCE a effectivement augmenté d’une manière inédite de 0 à 4,5 pour cent en un an, mais il s’était déjà établi au-dessus en 2001, à 4,75 pour cent. Dans les années 1980, les taux directeurs tournaient entre dix et quinze pour cent avant d’entamer une baisse progressive jusqu’aux années 2000.)

Interrogé sur les mesures à prendre en faveur du logement, Marc Giorgetti se calimérise : « Je ne comprends pas que le gouvernement ne trouve rien de mieux que de stigmatiser le secteur de la construction en le rendant responsable de la crise actuelle ! » Il rappelle que les prix sont « toujours » dictés par l’offre et la demande, « et non pas par un coup de baguette magique d’un ou de plusieurs développeurs ». Le promoteur rappelle que l’État dispose d’un potentiel constructible « de plusieurs centaines de milliers de mètres carrés de logements qui sont bien loin d’être mis sur le marché ». Marc Giorgetti fustige le manque de logique de son « meilleur client » (d’Land, 30.09.2022). L’État souffrira cette année d’une chute des recettes de la TVA et des droits d’enregistrement, évaluée à un milliard d’euros par l’entrepreneur (voir plus bas). Le développeur systémique se demande ainsi si la main publique n’aurait pas dû dépenser cet argent ces dernières années pour lancer des concours « design and build » qui auraient permis aux entreprises du bâtiment d’occuper leur main d’œuvre et de limiter les tensions sur les prix.

Dans son édito en introduction de la publication, le directeur de la Fedil, René Winkin « déplore fortement » la grève menée par les salariés de Cargolux en septembre. Elle laisserait des « traces bien au-delà du secteur de l’aviation (…) et sa célébration par les leaders syndicaux entache la crédibilité de ceux qui veulent vendre une image de marque du pays comportant l’argument de la paix sociale ». Il serait donc plus adapté de protester en silence et de ne pas le faire savoir. pso

Trafics transfrontaliers

La pandémie avait, pour un bref moment, remis la Grande Région au centre de l’attention, comme enjeu existentiel. La fermeture des frontières avait rappelé la fragilité inhérente d’un petit État enclavé, et sa totale dépendance de la force de travail lorraine, wallonne et allemande. Trois ans plus tard, le sujet n’a joué aucun rôle dans la campagne des législatives. Les rétrocessions fiscales ne figuraient ainsi dans aucun programme électoral (sauf celui des Pirates). Luc Frieden (CSV) avait toujours rêvé le Luxembourg comme une plate-forme financière déterritorialisée, à l’image de Singapour ou de la City de Londres. Dans les négociations de coalition qu’il dirige, la Grande Région disparaît dans le groupe de travail « Europe », où sont également listés la défense, la coopération et les relations internationales.

Parue dans Le Monde du 20 octobre, l’enquête « Crimes et trafics sur la ‘triple frontière’ » n’a guère retenu l’attention au Luxembourg. Elle peint pourtant un portrait des communes « métropolisées » de la Meurthe-et-Moselle, portrait qui est très éloigné du discours « win-win » sur la Grande Région. Le Monde décrit comment les groupes criminels contrôlant la vente de cocaïne et d’héroïne autour du quartier de la Gare font du « saute-frontière » pour brouiller les pistes : « Passer quinze jours en France. Disparaître. Quinze jours au Luxembourg. Disparaître. Retour en France. Disparaître. » Certaines communes lorraines, dont Villerupt, se voient confrontées à des règlements de comptes violents entre dealers rivaux. (Pour compliquer la donne, elles peinent à retenir les jeunes policiers qui peuvent gagner deux fois plus en travaillant comme vigiles privés de l’autre côté de la frontière.)

Mais le quotidien parisien évoque également d’autres trafics, « de basse intensité », qui vont des marchands de sommeil (profitant de la crise du logement luxembourgeoise) à la contrebande de tabac et d’alcool. « Des structures liées à la criminalité organisée de la communauté sri-lankaise » se seraient ainsi fait une spécialité de remplir des camionnettes d’alcools forts au Luxembourg pour les acheminer vers Paris. Des navettes qui approvisionneraient « un vaste réseau de supérettes ». Deux chauffeurs viennent ainsi d’être condamnés après que la douane a découvert 2 100 litres de whisky, de rhum et de vodka dans leur véhicule circulant sur l’A31. La police luxembourgeoise commencerait peu à peu à s’intéresser au phénomène, surtout à cause des car-jackings visant des acheteurs voyageant avec beaucoup d’argent en cash.

La contrebande atteint des niveaux historiques. L’État luxembourgeois en profite amplement. En juin, les recettes des droits d’accises sur le tabac s’élevaient à 483 millions d’euros, en hausse de 19 pour cent sur un an. C’était presqu’autant que la taxe d’abonnement (595 millions à la mi-année). Entre 2017 et 2021, le Grand-Duché est passé de 3 597 à 4 672 tonnes de tabac vendues, soit un prix de vente de détail de 1 447 milliards d’euros. Alors que la France a augmenté sa fiscalité sur les cigarettes, le différentiel de prix s’est sensiblement creusé. Un paquet de tabac à rouler « Pueblo » coûte ainsi 15,80 euros en France… contre 5,40 euros au Luxembourg. De quoi attirer de très loin les consommateurs (et revendeurs) aux stations-service grandes-ducales. Le Conseil d’État français vient d’ailleurs de demander au gouvernement Borne de relever d’une à quatre cartouches de cigarettes la quantité de tabac qu’un particulier peut ramener d’un autre État membre. La manne n’est donc pas prête à se tarir. Avec toutes les externalités sanitaires qu’elle provoque. bt

Die Krise beim Bau

„Sehr besorgniserregend“ ist die Lage im Baugewerbe. Zu dem Schluss kommt die Handwerkskammer (CDM) in ihrem Konjunkturbericht über das Handwerk im dritten Quartal 2023. Gegenüber dem ersten Quartal 2022 sei der Index der Bau-Aktivitäten um 24 Punkte auf –12 Punkte gesunken. Ein negativer Stand des auf Umfragen bei Betriebschefs basierenden Indikators bedeutet, dass die Mehrzahl der Betriebe rückläufige Aktivitäten gemeldet hat. Für das laufende vierte Quartal rechnet die CDM mit einer weiteren Verschlechterung: Die Aussagen der Betriebe würden auf einen Rückgang um weitere neun Indexpunkte hindeuten. Bei 51 Prozent der befragten Firmen seien die Auftragsbücher höchstens für drei Monate gefüllt. Tritt der Rückgang so ein, wäre ein Stand erreicht, der abgesehen vom Höhepunkt der Corona-Krise zuletzt Mitte 2010 noch um einen Punkt schlechter war.

In erster Linie handle es sich um eine Krise im Wohnungsbau. Laut Eurostat hatte bis zum zweiten Quartal nur in Finnland das Volumen der Transaktionen noch stärker abgenommen als die –45 Prozent hierzulande. Laut Statec kosteten Firmenpleiten bis zum Ende des dritten Quartals 700 Arbeitsplätze, allerdings sind dabei Immobilienagenturen inbegriffen. Die Handwerkskammer schätzt, dass bis zu 4 600 Jobs gefährdet sein könnten, wenn die Wohnungsbaukrise anhält. Das beträfe nicht nur den Bausektor, sondern kaskadenartig auch Zulieferer, Planungsbüros und Architektenfirmen. An die 1 500 Wohnungen würden derzeit in einem Jahr nicht gebaut. Über die potenziell gefährdeten Arbeitsplätze hinaus veranschlagt die Handwerkskammer einen indirekten Effekt von minus 300 Millionen Euro auf die Staatskasse durch ausbleibende Einnahmen an Mehrwertsteuer und Einregistrierungsgebühren sowie Mehrausgaben für Arbeitslosengeld.

Dass die Handwerkskammer mit ihrem Bericht auch Formateur Luc Frieden und die Verhandlungsdelegationen von CSV und DP erreichen möchte, liegt natürlich nahe. Der Bericht hebt hervor, nicht nur während der aktuellen Krisenzeit, sondern schon seit Jahren werde der Bedarf an neuen Wohnungen nicht so gedeckt, wie ihn das Statec veranschlagt hat. Weder für das Statec-Szenario, in dem das BIP im langfristigen Jahresschnitt um 4,5 Prozent wüchse, noch im Szenario Nullwachstum. Um „schnell“ gegenzusteuern, empfiehlt die Handwerkskammer Anreize auf der Nachfrageseite: Abschaffung der Einregistrierungsgebühren auf den schon realisierten Anteil eines Neubaus sowie Einführung eines neuen reduzierten Mehrwertsteuersatzes von fünf Prozent für den Bau von Mietwohnungen. Auf die beschleunigte Abschreibung zurückzukommen, sei ebenfalls keine schlechte Idee. Idem öffentliche Wohnungsbauvorhaben zeitlich vorzuziehen, solange die private Nachfrage so schwach ist. Und natürlich müssten für eine „Wohnungsbauoffensive“ die Genehmigungsprozeduren „radikal vereinfacht“ werden. pf

Moutarde après Gafi

A paru vendredi dernier pour la première fois le rapport statistique sur la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La publication est consécutive à un vote du comité de prévention du blanchiment et du financement du terrorisme, instance encore inconnue, mais manifestement liée à la direction récemment « lutte contre blanchiment et le financement du terrorisme » du ministère de la Justice. Le rapport, qui rassemble des chiffres datant des années 2020 et 2021, est une obligation légale liée à la directive de 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment et de financement du terrorisme. Cette première intervient toutefois plusieurs semaines après la note satisfaisante accordée au Luxembourg par le groupe d’action financière luttant contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Les données publiées sont déjà parues, mais peuvent être présentées sous une autre méthode. Est ici détaillée la coopération de la cellule de renseignement financier avec ses homologues en dehors de l’Union européenne, ce que l’entité du parquet veillant sur la lutte contre le blanchiment ne produit pas dans son rapport annuel (ou bisannuel). Après la Suisse (70 dossiers par an en moyenne), c’est vers la Russie que la CRF a renvoyé le plus de déclarations de soupçons (40 par an). Vient ensuite l’Ukraine. Des données qui évolueront sans doute dans le rapport 2022. L’on saura l’année prochaine (si l’on continue avec la même diligence). pso

Pierre Sorlut, Bernard Thomas
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