Donald Trump, les entreprises américaines au Luxembourg et la cause LGBTQ

Mezza Voce

d'Lëtzebuerger Land vom 18.07.2025

« Kein Geldtopf am Ende des Regenbogens », titre
Tageblatt samedi dernier. L’article du quotidien eschois expose le désengagement d’entreprises liées aux États-Unis du financement de la Pride Week. Sont notamment citées J.P. Morgan (banque américaine) et Fidelity société de fonds britannique active sur le marché US) autrefois sponsors de l’événement. Un autre établissement financier américain, State Street, a également disparu du tableau des entreprises partenaires affichées sur luxembourgpride.lu. La banque basée au Kirchberg n’a pas donné de raison à ce retrait. Les fonds levés ont chuté de trente pour cent, informe le responsable sponsoring de la Luxembourg Pride dans Tageblatt. Face au Land, Nicolas Van Elsué explique qu’un changement des barèmes pour les partenariats a poussé J.P. Morgan à se mettre en retrait. Le membre de Rosa Lëtzebuerg y voit « une influence des États-Unis où l’on limite les budgets » pour les programmes Diversity Equality and Inclusion (DEI).

La faute aux executive orders signés par le président Donald Trump dès les premiers jours de son mandat. Le 20 janvier, la Maison Blanche enclenchait officiellement sa guerre culturelle via sa politique « Defending Women from Gender Ideology Extremism and Restoring Biological Truth to the Federal Government ». Les agences gouvernementales doivent effacer déclarations, communications et messages « qui promeuvent ou inculquent l’idéologie du genre ». L’administration a pour consigne de cesser toute relation commerciale avec des entreprises qui « promeuvent l’idéologie de genre ».

Le 21 janvier, l’executive order « Ending Illegal Discrimination and Restoring Merit-Based Opportunity » attaquait nommément les « DEI policies » (et les DEIA incluant l’accessibilité). Pareil, les fournisseurs de l’Oncle Sam s’engagent à ne pas mener de programmes promouvant un traitement juste de groupes historiquement sous-représentés ou soumis à des discriminations. Les ambassades américaines, y compris au Luxembourg, avaient envoyé à leurs contractants des formulaires par lesquels ces derniers devaient s’engager à respecter la nouvelle règlementation américaine. « No contracts have been terminated as part of the review undertaken in April 2025 to ensure that contractors and grantees, who have or seek to have contracts with, or grants from U.S. Embassy Luxembourg, comply with recent White House Executive Orders », informe cette semaine la nouvelle porte-parole de l’ambassade, Megan Johnson. Une trentaine de sociétés étaient concernées au Grand-Duché.

Les entreprises se sont adaptées. Dès le mois de décembre, Amazon avait senti le vent tourner. La firme de Jeff Bezos (l’un des principaux employeurs au Luxembourg) a alors changé son approche de l’inclusivité. « We’ve been winding down outdated programs and materials », avait écrit la DRH à ses équipes. La porte-parole du groupe au Luxembourg relate qu’Amazon reste attachée à l’inclusivité. L’approche ne serait plus « bolted on », mais « inclusive born ». C’est le narratif qui change, la manière de communiquer. Ces firmes géantes, Amazon comme eBay (également présente au Luxembourg), ne peuvent se fâcher avec leur clientèle, diverse et variée. « We need millions of employees and partners that reflect our customers and communities », communiquait Amazon en interne en décembre dernier.

Christophe Rahier, organisateur de la Pride Run (qui s’est déroulée jeudi dernier à Luxembourg), confirme que les entreprises américaines étaient au rendez-vous : « Elles ont payé les frais de participation et les t-shirts d’entreprise ». Interrogée sur son éventuelle participation, l’ambassade américaine communique qu’elle n’a pas participé aux événements de la Pride Week « this year », mais que des membres du staff l’ont fait « in a personal capacity ». Les Amazonians qui le souhaitaient ont couru sous la bannière violette de Glamazon, l’association des employés promouvant (depuis 2005) la cause LGBTQIA+ dans les rangs de l’entreprise aux 1,5 million de salariés. « Aucune société américaine n’a quitté la Charte de la diversité », témoigne Nancy Thomas, directrice de l’IMS Luxembourg, organisme qui accompagne les entreprises dans leurs programmes d’inclusivité. Figurent toujours Amazon, Avery Dennison, Brown Brothers Harriman, eBay, J.P. Morgan, State Street et même l’Amcham parmi les signataires. Nancy Thomas comprend que ces sociétés « continuent de mener leurs actions (en matière d’inclusion, ndlr), mais elles ne communiquent plus (ou moins) vers l’extérieur ». Nombre d’entre elles participeraient encore à des formations. Mais dans le flou du périmètre des executive orders, les sociétés liées au marché américain souhaiteraient limiter les risques. L’IMS réfléchit maintenant à une manière de s’assurer que ces firmes respectent encore les principes de la charte. 

Note de bas de page

Pierre Sorlut
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