EuropOnline

Nouveau virage stratégique

d'Lëtzebuerger Land vom 19.10.2000

EuropeOnline a mis le turbo sur le contenu, renonçant ainsi au voeu de sa fondatrice Candace Johnson de mettre l'Internet satellitaire rapide au service du plus grand nombre. Ce changement de cap forcé a placé la société installée à Betzdorf au coeur de la tourmente. EuropeOnline (EOL) doit aujourd'hui composer avec des milliers d'abonnés frustrés des lenteurs d'une technologie qui n'a pas tenu ses promesses. 

L'échec de l'offre « Internet in the Sky » qui proposait  « d'offrir le plus grand service mondial au grand public », pose la question de l'avenir d'une technologie sur laquelle la Société européenne de satellites a placé de grands espoirs pour diversifier ses revenus. 

Il n'y en avait plus qu'un et il renonce à son tour. EOL, l'unique opérateur européen sur le marché grand public de l'Internet rapide par satellite, a choisi d'abandonner l'exploitation commerciale d'une technologie qu'il juge « inadaptée » à la navigation sur le web. La société, qui avait lancé il y a un an ce service, a décidé de se reconvertir dans la diffusion de programmes de divertissement multimédia en Allemagne d'abord, puis en France dans une seconde étape. Il ne s'agit, somme toute, que d'un changement de cap de plus de la société depuis sa création. 

D'autres opérateurs avant elle ont été forcés de reconnaître les limites de la technologie. Un opérateur allemand, qui proposait une offre Internet à haut débit sur le système de satellite géostationnaire concurrent d'Astra, Eutelsat, a été contraint lui aussi de fermer sa boutique, pour cause de non-rentabilité de cette activité.

Dans une déclaration, pour la moins surprenante, à l'agence Reuter, et sur laquelle elle est d'ailleurs revenue par la suite, Simone Steinmetz, porte-parole de EOL, n'a pas hésité à dire tout le mal qu'elle pensait de l'accès Internet à grande vitesse par satellite, « tout simplement inopérant ». 

« C'est faire un mauvais usage des capacités du satellite »  a-t-elle déclaré au journaliste de Reuter, justifiant ainsi le virage de la société dans le mode Multicast, c'est-à-dire le téléchargement de films ou de programmes de divertissement interactifs et l'abandon consécutif de l'Unicast qui permet entre autres de la navigation rapide sur le net. « L'Unicast n'est pas notre core business, les gens recherchent un contenu intéressant et ils se fichent de la façon dont il est transmis » a-t-elle expliqué au Land.

Ceci dit, la grande majorité des abonnés au service Internet par satellite a choisi cette technologie pour pouvoir naviguer sur la Toile plus rapidement qu'avec les canaux traditionnels.

Aussi, les ambitions d'EuropeOnline de tripler le nombre de ses abonnés d'ici la fin de l'année pour en compter quelque 50 000 paraissent-elles un peu optimistes.  Simone Steinmetz affirme néanmoins que de nombreux contrats, arrivés à échéance, ont été renouvelés, malgré le changement de cap.

La société prévoit de lancer en novembre une grande campagne de promotion pour vendre ses  abonnements Multicast à quinze euros par mois en Allemagne. La France suivra.

Le marketing sera particulièrement offensif : des accords avec les grandes chaînes de distribution allemandes comme Promark, Mediamark et Saturn ont été conclu.

Le démarchage du marché français risque d'être plus problématique. Dans l'Hexagone, EOL s'est un peu brouillé avec les revendeurs qui ont très mal interprété l'annonce de l'arrêt de la diffusion Unicast. 

En délicatesse avec ces prestataires qui l'accusent de l'avoir trompé, en quelque sorte, sur la marchandise en promettant des débits extrêmement rapides, EOL leur rejette la responsabilité en affirmant n'avoir jamais été « un fournisseur d'accès à Internet à haut débit » et parle de « confusion » des clients et revendeurs  « qui est à la source de nos problèmes ».  « Si tout ce que vous recherchez c'est du haut débit, un accès Unicast à Internet pour surfer, alors EuropeOnline n'est pas le bon service pour vous » a récemment expliqué à ses abonnés Dennis Hightower, le PDG d'EOL.

Simone Steinmetz reconnaît pour sa part que la société a manqué de « sévérité » envers des revendeurs d'abonnement qui ont eu tendance à trop pousser sur la corde Internet rapide par satellite en négligeant totalement les programmes de divertissements. C'est uniquement dans ce cas de figure que les promesses de vitesse de transmissions à 2 Mbits/seconde peuvent être tenues.

La décision de EOL de se retirer de l'Internet satellitaire rapide a contraint certains de ces prestataires à reconnaître que les performances de l'Internet par satellite restaient toutes théoriques et dépendaient du nombre d'utilisateurs. 

Plus les utilisateurs sont nombreux et plus la vitesse de transmission des données ralentit. De plus, l'envoi de données ne marche que dans un sens : l'envoi se fait par satellite mais le retour transite par le canal « classique » du modem téléphonique. 

Les abonnés d'EOL ont commencé à se plaindre de la lenteur des transmissions à la fin de l'année dernière, six mois à peine après le lancement de l'offre. 

Un site pastiche (www.europeonline.fr.fm) a été ouvert au début de l'automne pour recueillir, au niveau européen, leurs protestations et se « plaindre de la dégradation du service Internet par satellite » offert par la société luxembourgeoise.

Le site multi-canal.com a lui aussi organisé un « forum privé pour les actions en justice à l'encontre de la société et pour la défense des abonnés ».

Dans ce contexte, la commercialisation des « nouveaux » services de divertissement pourrait s'avérer plus difficile que prévu.

Du côté de la SES, qui développe, à travers sa filiale SES Multimedia, des services de transmission de données à haut débit via Astra, il n'y a pas le moindre doute sur la viabilité commerciale et technologique du système : « Il est très clair que le satellite marche parfaitement avec l'Internet pour des milliers d'utilisateurs» a affirmé au Land Harald Melzer, responsable de SES Multimedia.

Un répéteur peut facilement, selon lui, fournir à 25 000 abonnés un débit très largement supérieur à des lignes RNIS. 

L'opérateur italien Netsystem.com s'apprête d'ailleurs de lancer, via Astra, une offre grand public à destination de la clientèle de la Péninsule dans un premier temps. 

Le salon professionnel Antennes qui se tiendra en région parisienne au début du mois de novembre devrait aussi être l'occasion pour certains opérateurs d'annoncer le lancement d'offres, qui ne passeront d'ailleurs pas forcement par la plate-forme de la SES. 

L'Internet à haut débit, ça marche, mais à condition de limiter le nombre d'utilisateurs et d'adopter une stratégie marketing bien dosée.

La société fondée par Candace Johnson en a sans doute manqué et fait aujourd'hui les frais d'une politique commerciale pour le moins hasardeuse. 

Dépassée par la demande d'une clientèle souvent indifférente à l'offre de « contenu », la société s'est vite montrée incapable de fournir un service de qualité. 

Une partie des 15 000 abonnés affichés, qui ont souscrit un abonnement d'un an uniquement pour naviguer rapidement sur le web, se retrouve avec un équipement coûteux qui n'aura plus beaucoup d'intérêt pour eux, hormis celui de regarder quelques chaînes de télévision.

La société a promis d'assurer la continuité du service à ses abonnés jusqu'au terme de leur contrat.

Mais les débits risquent d'être catastrophiques  (du « surfing escargot » craignent certains abonnés) et, mieux vaudra  donc  se servir du bon vieux modem pour surfer sur le net.

Véronique Poujol
© 2023 d’Lëtzebuerger Land