Le spécialiste franco-luxembourgeois des questions de sécurité François Heisbourg recadre Asselborn et la gestion du renseignement luxembourgeois dans un entretien sur les menaces liées au conflit en Ukraine

« Il faut lire et écouter les dictateurs »

François Heisbourg invité à une conférence de l’Institut grand-ducal en septembre dernier
Foto: Sven Becker
d'Lëtzebuerger Land vom 11.03.2022

François Heisbourg, 72 ans, est aujourd’hui l’une des voix les plus écoutées en France dans le cadre du conflit militaire en Ukraine. Après avoir suivi le parcours typique du haut-fonctionnaire en France, Science-Po et Ena, ce Franco-Luxembourgeois a travaillé dans les ministères des Affaires étrangères et de la Défense avant de rejoindre l’industrie de l’armement (Thomson-International) puis la recherche sur les questions de sécurité, notamment au prestigieux International Institute for Strategic Studies (IISS), qu’il a dirigé pendant cinq ans et dont il est conseiller aujourd’hui, ou à la Fondation pour la recherche stratégique, dont il est conseiller spécial. François Heisbourg est à ce titre l’un de ceux qui, durant les dernières décennies, a forgé le cadre de réflexion des politiques de défense. Dans un entretien accordé au Land via Zoom mercredi soir, François Heisbourg livre, dans une expertise froide, les clés d’un conflit brûlant dans lequel le monde menace de s’abîmer.

d’Land : Monsieur Heisbourg, vous avez remarqué la sortie de Jean Asselborn la semaine dernière. Selon le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, un renversement et une élimination physique de Vladimir Poutine par la population russe seraient la seule issue possible au conflit. D’abord sur la forme : Que penser d’une telle sortie de la part d’un représentant de gouvernement européen ?

François Heisbourg : La même chose que ce que l’on pouvait penser d’une sortie quelques jours plus tôt du ministre de l’Économie français, Bruno Le Maire, qui a parlé d’une guerre totale, y compris contre le peuple russe. Ce sont des propos qui ne doivent pas être tenus par des personnes qui sont en responsabilité politique. Même si on le pense très fort. D’ailleurs, les deux hommes se sont excusés vraiment très rapidement. Ils se sont rendus compte que ce n’était pas très malin. On ne sait pas de quoi demain sera fait. Qui sait si un jour quelqu’un demandera au Luxembourg de jouer une médiation entre X ou Y. Un ministre des Affaires étrangères ne doit pas être le premier à donner l’impression de couper les ponts.

Sur le fond, n’est-ce-pas un « dérapage contrôlé » pour reprendre les termes du conseiller d’État, Alex Bodry, sur Twitter, une sortie pour donner du corps à ce scénario ?

C’est à Monsieur Asselborn de dire si tel était le cas. Sur le fond, nous ignorons aujourd’hui jusqu’où ira la guerre. Qu’il s’agisse de l’escalade horizontale, c’est-à-dire géographique, ou qu’il s’agisse de l’escalade verticale, c’est-à-dire en armement et dans sa mise en œuvre. Dans ces conditions, on ne prononce pas des mots qui laissent l’adversaire penser que l’escalade est pour lui la seule solution. Car si vous promettez à Vladimir Poutine une élimination physique et s’il prend cela au sérieux, ce qui reste à démontrer, une des réponses rationnelles, je dis bien rationnelles, serait de monter en gamme dans la violence.

Dans votre ouvrage Le Retour de la guerre, paru en octobre dernier, vous avez prophétisé la possibilité d’une guerre entre grandes puissances… on y va ?

Nous y sommes. L’Ukraine rassemble 45 millions d’habitants. C’est grand comme la France. Mais l’Ukraine ne fait pas partie de l’alliance atlantique et n’est pas couverte pas l’article 5 du Traité de l’Otan. La Russie est, par définition, une grande puissance. Le dirigeant russe peut partir du principe que, quoi qui se passe en Ukraine, il n’y aura pas d’intervention de l’Otan. Il est en droit de le croire. Et je pense qu’effectivement, il le croit. Nous sommes par ailleurs dans une espèce d’entre-deux en termes d’hostilités. Voilà une des choses que je dis dans mon livre : le seuil entre la guerre et la non-guerre était clair pendant la Guerre froide. Quelqu’un qui tirait intentionnellement au titre d’une politique d’État : C’était la guerre. Aujourd’hui nous ne savons plus très bien. Les cyber-opérations sont quotidiennes. Elles peuvent être plus ou moins graves ou vastes.

Quelle ligne rouge nous sépare d’un conflit qui deviendrait mondial ?

Dans le cadre de l’alliance atlantique, la ligne rouge a longtemps été très claire. L’attaque armée contre un État membre de l’Otan justifie la mise en œuvre de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Lors de la première cyberattaque significative, diligentée contre l’Estonie en 2007, les pays baltes avaient posé la question. La cyberattaque était certes primitive, mais il s’agissait de la première vraie offensive du genre contre des institutions étatiques comme la Banque centrale, le fisc, ou l’administration publique. L’origine de l’attaque ne laissait pas planer trop de doutes. La garantie de défense de l’Otan joue-t-elle ?, avait-on demandé. Aujourd’hui, il y a bien une ligne claire pour les Russes, comme pour l’Otan. Si les avions appartenant à des pays membres de l’Otan et volant sous leurs couleurs intervenaient dans le ciel ukrainien, soit l’idée de la no fly zone évoquée ces derniers jours, ce serait considéré comme un acte de guerre. À l’inverse, quid de la question sur laquelle les États-Unis et la Pologne hésitent en ce moment, qui est celle du transfert d’armes en toute propriété à l’Ukraine ? Cette ligne est floue.

À quel stade un conflit entre puissances nucléaires deviendrait-il nucléaire ?

C’est une question très lourde, très difficile. Essayons de la disséquer. D’abord, une dimension nucléaire est liée au comportement sur le terrain des armées russes par rapport aux installations nucléaires civiles dans la région. Tchernobyl a été débranchée. La Russie a aujourd’hui la responsabilité en tant que puissance occupante de la zone de Tchernobyl. L’Agence internationale pour l’énergie atomique, pour dire le moins, en est un peu soucieuse. Lorsque des tirs d’artillerie russe ont atteint le complexe nucléaire de Zaporijia, cela a fait courir un danger. Il y a déjà cet élément nucléaire, qui, de la responsabilité plus ou moins volontaire du belligérant russe, suscite un effroi bien naturel dans l’opinion publique.

Mais du point de vue militaire…

L’instruction du 27 février de Vladimir Poutine à son ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et à son chef de l’état-major, Valéri Guerassimov, de passer à un niveau supérieur dans la gradation du seuil d’alerte de sa force de dissuasion nucléaire relève, dieu merci, à ce stade du domaine du virtuel. De telles mesures ont eu lieu pendant la Guerre froide, par exemple lors de la Guerre du Kippour en 1973.

La Russie bande ses muscles…

Dans le jargon, on appelle cela de la gesticulation dissuasive. C’est un jeu risqué, à ne pas pratiquer chez soi, comme on dit dans les publicités, mais cela reste virtuel. La troisième dimension est le recours réel à l’arme nucléaire. Si elle est employée contre une puissance nucléaire, là nous nous dirigeons vers un échange nucléaire qui conduirait, hélas, éventuellement à la Troisième Guerre mondiale et à la fin de la vie sur Terre telle qu’on la connaît. J’ai beaucoup de mal à y croire. Du moins comme une étape qui serait franchie comme ça, à froid, par un dirigeant quelconque, y compris Vladimir Poutine. Mais, il y a un cas plus compliqué qui est d’ailleurs la réplique de ce qui a marqué le début de l’ère nucléaire. Nagasaki et Hiroshima ont été détruites par la première puissance nucléaire avec les deux premières bombes nucléaires contre une puissance qui n’était, par définition, pas nucléaire. Si la résistance en Ukraine devait aboutir, aux yeux des Russes, à une défaite, nous sommes obligés de nous poser la question de savoir si Vladimir Poutine serait susceptible d’employer une arme nucléaire dite du champ de bataille avec pour objectif de produire un effet de sidération. À ma connaissance, et je n’ai pas de connaissance dite privilégiée, aucun indice ne permet pour le moment de penser que cela pourrait arriver. C’est le côté rassurant de cette expertise.

Comment jugez-vous le risque que Vladimir Poutine perçoive une mesure de rétorsion occidentale comme un casus belli qui mènerait à une escalade verticale et au nucléaire ?

Les gens ont raison de s’inquiéter de l’évolution de ce conflit qui pour l’instant est sur une pente ascendante. La violence et l’étendue des combats s’accroissent. Se posera la question de ce qui se passera quand les soldats russes arriveront à la frontière de la Roumanie, par exemple. Ce qui ne saurait tarder. Bien entendu pour tenter de reprendre l’avance des troupes russes là où elles ont été bloquées, notamment à Kiev, le niveau de violence russe s’accroît. Dans certaines villes du nord et à Marioupol, on atteint le seuil de Grozny. Alors qu’il a fallu plusieurs années pour transformer Grozny en Grozny, si j’ose dire. Cela va très très vite. Le niveau de violence est déjà exceptionnellement élevé par rapport aux guerres de Syrie et Tchétchénie.

Garry Kasparov, ressortissant russe opposant à Poutine, l’un des plus grands joueurs d’échec de tous les temps et donc familiarisé avec les stratégies d’anticipation, considère qu’attaquer la Russie est un devoir, et que le plus tôt sera le mieux. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’est toujours très facile quand on est dehors de donner des recettes simples par rapport à une situation qui est à la fois incroyablement dangereuse et extraordinairement délicate. Lorsque quelqu’un dit quelque chose comme ceci, il faut qu’il ajoute à la fin de sa phrase : « Oui d’ailleurs, je suis prêt à ce qu’il y ait une guerre nucléaire mondiale ». C’était pareil pour l’affaire de la no fly zone. Les gens prétendent qu’on ne tue personne, qu’on n’est pas au contact avec les troupes, que la population civile est protégée. La no fly zone ne procurerait que du bonheur. Oui, mais il faut rajouter : « Et nous sommes tout à fait prêts à subir toutes les conséquences d’une guerre directe entre plusieurs puissances nucléaires dont les avions se seront préalablement affrontés dans le ciel d’Ukraine ». Nous ne sommes pas en train de jouer à un jeu vidéo.

Quelle sortie Vladimir Poutine, qui s’est isolé et a précipité son pays vers la ruine, peut envisager à ce stade ?

La Russie a depuis un certain nombre de siècles généralement été dirigée par un homme seul, avec un entourage limité. Du point de vue des Russes, qu’il s’agisse des gouvernants ou des gouvernés, la situation actuelle peut bien-sûr inquiéter, mais elle n’est pas hors-normes. Après, l’isolement intérieur de Vladimir Poutine est exceptionnellement élevé. Pour deux raisons. D’abord Poutine a réduit au fil des ans le nombre de gens à qui il se confie. Il a donc une capacité à appréhender le réel à travers un nombre très faible de capteurs d’informations, pour parler en jargon instrumental. Ensuite, le coronavirus a poussé Poutine à s’enfermer dans une bulle. Ce qui réduit encore les possibilités de contact, de discussion… Discuter avec un type à vingt mètres au bout de la table, ce n’est probablement pas optimal.

Puis il y a l’isolement de l’extérieur, diplomatiquement…

C’est même plus basique que ça. Il ne voit plus le monde. Et il a 70 ans. Vladimir Poutine ne peut que partir du principe que le temps lui est compté, indépendamment de ses actes et indépendamment de ses éventuelles pathologies. J’ignore de combien de temps il dispose. Je ne sais pas quelle est sa vision de sa durée opérationnelle. Mais si vous partez du principe que votre durée est de deux ans et que vous tenez absolument à hacher menu l’Ukraine, vous n’allez pas adopter le même rythme de prise de décision que si vous pensez continuer jusqu’à 2036, ce que la constitution taillée sur mesure permet à Poutine. Dans le premier cas, vous voudrez la manger d’un seul coup. Dans le second cas, comme certains tsars du XIXe siècle, qui ont mis 25 ans pour partager la Pologne, vous prendrez votre temps. L’Ukraine a déjà fait l’objet d’un premier partage en 2014 avec la Crimée, ainsi que le partage de facto dans le Donbass.

Est-ce qu’un accord de paix est possible ?

Si Poutine considère qu’il s’est mis dans une situation scabreuse, que son armée traine la patte, que les sanctions frappent durement le pays, il peut s’arrêter là, garder la Novorossia et faire la jonction entre le Donbass et la Crimée. L’avancée des troupes russes permet de penser que cet objectif est réaliste d’un point de vue militaire à relativement court terme. D’ici quelques jours à quelques semaines. Pour le reste, il se donne cinq ans pour se refaire. S’il n’a plus que deux ans pour réaliser son plan, alors il force le tempo. Du moins s’il prend au sérieux les ambitions qu’il a décrites en juillet 2021 dans De l’Unité historique des Russes et des Ukrainiens. On ne lit pas suffisamment les textes de dictateurs. Il faut lire et écouter les dictateurs. En décembre, il a détaillé ses objectifs en matière de réorganisation de l’ordre de sécurité en Europe. Ses objectifs sont extrêmement ambitieux (annexer l’Ukraine et la Biélorussie, ndlr). Ils sont sur la table.

Vous ne miseriez pas sur un accord de paix dans le mois ?

Un armistice le temps de se refaire, avec un détachement de la Novorossia qui est le fait accompli sur le terrain, est le plus vraisemblable à court terme. Les belligérants reprendront les hostilités. Si Poutine ne recommençait pas, il deviendrait irrationnel par rapport à ses propres objectifs. Je pense que ses objectifs sont scandaleux et démesurés. Mais ce qu’il fait pour atteindre ses objectifs n’est pas irrationnel. Il a montré tout au long de cette crise qu’il ne bluffe pas. Et quand il rencontre un obstacle, il ne réduit pas ses prétentions, il accroît ses moyens.

Au cours de votre conférence en septembre à l’Institut grand-ducal, vous avez qualifié le Luxembourg de « carrefour de la mondialisation », et remarqué que le pays serait bien instruit de « savoir ce qui se passe » afin de « protéger ses actifs ». Comment ses propos se conjuguent-ils dans le contexte présent ?

Les démocraties feraient bien de ne pas héberger les biens mal acquis ou de dépendre de la gestion de biens mal acquis pour assurer leur prospérité. Il y a beaucoup de pêcheurs dans cette église-là. Je ne pense même pas aux paradis fiscaux au sens strict du terme. Le Luxembourg n’est plus dans cette catégorie. Le Luxembourg, comme le Royaume-Uni, comme la France, s’est montré très accueillant, très souvent et de façon étonnamment transparente, vis-à-vis de personnes et de biens qui ne doivent pas être accueillis. Plus à Londres qu’à Luxembourg, a été créé un écosystème. Les marchés immobiliers, juridiques et scolaires londoniens tournent largement grâce à l’argent russe. Le Luxembourg, vu son rôle de plaque tournante dans la mondialisation, est forcément vulnérable face à ce type d’activité. Pour la cadrer, il faut disposer des moyens de renseignement. J’ai cru comprendre, lorsque s’est posée la question de savoir s’il fallait créer un successeur au Srel, qu’il y avait une fracture droite-gauche sur le sujet. La droite plutôt pour, et la gauche plutôt contre. Je pense personnellement que les gens de gauche devraient être plutôt pour. Pour briser les pires excès de la mondialisation, il faut un service de renseignement. Si on est sérieux dans la lutte contre les dérives de la mondialisation, et il faut l’être, il convient de garder un œil sur ce qui se passe chez soi. Et avoir aussi des billes à échanger avec les voisins qui ont des moyens de renseignements plus importants.

Pensez-vous que le gouvernement luxembourgeois, qui a mis en place un registre des titulaires de compte, accessible au service du renseignement, lequel dépend du Premier ministre, peut ignorer si Vladimir Poutine a des intérêts financiers au Grand-Duché ? La semaine passée, Xavier Bettel s’est dit « content » de ne pas le savoir.

(Rigole.) Sur le fond de la question, d’après ce que je comprends, Vladimir Poutine et sa garde rapprochée ont travaillé dur pour établir un maximum d’écrans financiers et juridiques entre sa fortune réelle et lui-même afin de ne pas avoir d’exposition directe à d’éventuelles sanctions. Là encore, il faut que les moyens des renseignements soient mobilisés. Comme l’ont montré les journalistes lors des « Panama Papers », on peut trouver des failles.

Attaquer les oligarques c’est d’ailleurs s’en prendre aux portefeuilles de Poutine…

Absolument. Il n’y a rien de plus plaisant que l’idée de voir les oligarques dépouillés de leurs villas insensées et de leurs yachts.

Le conflit en Ukraine a aussi provoqué une repolarisation du monde, un retour des blocs est-ouest. À partir de la Guerre froide et plus encore ces dernières années, le Luxembourg s’était érigé en porte d’entrée des investissements russes et chinois en Europe. La « petite souris luxembourgeoise », pour reprendre votre métaphore de septembre, peut-elle encore suivre cette voie non-alignée dans ce contexte ?

Vis-à-vis de la Russie, la réponse est extrêmement simple : l’occident et la Russie sont en guerre économique. Concernant la Chine, c’est autre chose. Nous ne nous sommes pas déclarés la guerre. En tout cas, pas encore. Le Luxembourg fait partie de l’UE, qui considère unanimement la Chine comme un partenaire commercial, mais aussi comme un compétiteur géopolitique. Le regard européen sur la Chine a changé depuis trois ans. L’Allemagne ou le Luxembourg avaient eu tendance, depuis les années 1970, à la considérer comme un gros Japon avec quelques problèmes de droits de l’homme. Pour le reste, « faisons des affaires, tout va bien », disait-on. Ces illusions se dissipent, notamment avec Huawei, société dépendante du parti, disposant à travers la 5G de capacités d’interférence sur l’économie en ligne… Nous savons depuis la pandémie que celle-ci est vraiment stratégique, essentielle. Le Luxembourg ne peut pas finasser entre deux visions stratégiques opposées. L’UE et les États-Unis s’allient désormais pour ne pas laisser la Chine imposer tous les standards.

Comment situer l’action du Grand-Duché ?

Nous avons d’un côté la Russie dans un énervement absolu qui cherche à recouvrer la puissance de l’URSS, mais dont le PIB reste inférieur à celui de l’Italie. La Russie, c’est la tempête du jour, le temps qu’il fait en ce moment. La Chine, c’est le changement climatique au sens géostratégique. Il faut bien entendu s’occuper des deux. Quand il y a la tempête, il faut éviter de se retrouver cul-nu sous la pluie, mais il faut aussi au moins autant, sinon plus, s’occuper du changement climatique. Le Luxembourg sait généralement anticiper la fin des périodes dorées pour passer à autre chose. La sidérurgie a marché pendant presqu’un siècle. Le pays s’est replié dans le bon ordre sur les services financiers. D’abord, il faut bien le dire, sous la forme d’un paradis fiscal. Mais là aussi on a su anticiper et jouer l’intermédiaire dans les fonds d’investissement et passer à la transmission automatique des données. Maintenant, pour remplacer l’intérêt pour les capitaux comptant sur la Chine et la Russie, je commence, lors de mes passages réguliers au Luxembourg, à voir frémir des secteurs d’avenir : le financement climatique, l’espace…. Le pays a l’avantage de sa taille pour manœuvrer plus facilement, comme les bateaux. Mais mon message est qu’il ne faut pas trop attendre des relations avec la Chine.

Pierre Sorlut
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