Roumanie

Les opportunités en Europe de l’Est

d'Lëtzebuerger Land vom 17.02.2023

Au revoir la Russie, bonjour la Roumanie ! Ou la Pologne et les pays baltes. De plus en plus d’entreprises européennes ferment leurs portes en Russie et les ouvrent dans les anciens satellites de l’URSS devenus entre-temps membres à part entière de l’Alliance atlantique. Nokian, une compagnie finlandaise parmi les leaders du secteur pneumatique au niveau mondial, a fermé son usine en Russie en juin 2022 et en ouvrira une au printemps 2023 à Oradea, ville située au nord-ouest de la Roumanie. « Cet investissement est une décision stratégique importante qui permettra notre future croissance », a déclaré Jukka Moisio, président de Nokian Tyres. « Une usine de fabrication de classe mondiale en Europe est, selon nous, une étape clé qui offrira une capacité supplémentaire alors que nous commençons à développer les nouveaux pneumatiques Nokian sans la Russie », a poursuivi le chef d’entreprise.

Il suffit de se promener à Oradea pour comprendre le choix de l’équipementier. Une ville cosmopolite, fière de sa diversité ethnique composée de Roumains, de Hongrois et d’Allemands et de sa main d’œuvre qualifiée à des prix abordables. Son architecture rappelle la splendeur de l’ancien empire austro-hongrois et son ouverture au monde est tout le contraire d’une Russie repliée sur elle-même. Le choix de Nokian a été rapide : on ferme en Russie et on ouvre en Roumanie, pays protégé par le parapluie de l’Otan et de l’Union européenne. « Nous nous engageons à construire une usine sans émission de CO2, la première de notre secteur », promet Jukka Moisio. « Le site roumain nous permettra d’atteindre cet objectif car nous pourrons utiliser l’énergie verte produite à proximité », détaille-t-il.

La guerre que la Fédération de Russie mène en Ukraine change la donne économique dans les anciens pays communistes intégrés dans l’UE et dans l’Otan depuis la chute du mur de Berlin en 1989. Les anciens satellites de l’Union soviétique ne veulent plus faire affaires avec Moscou et cherchent à s’ancrer dans l’espace euro-atlantique. La Roumanie, la Pologne et les pays baltes s’affirment ainsi comme les principaux acteurs dans l’espace que l’URSS avait dessiné aux temps de la guerre froide. Les entreprises occidentales installées en Russie et en Ukraine déménagent leur production dans ces pays qui bénéficient de la protection de l’Alliance atlantique. La Roumanie profite de ce retournement de situation pour attirer des investissements. Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé une croissance économique de 3,1 pour cent en 2023. En 2022, les investissements étrangers ont atteint dix milliards d’euros, un record depuis l’adhésion de la Roumanie à l’UE en 2007. « Nous soutenons tous les projets de relocalisation en Roumanie des affaires affectées par la guerre en Ukraine », a déclaré Nicoala Ciuca, le Premier ministre roumain.

Le cabinet d’audit financier et de conseil Ernst & Young, bien implanté en Roumanie, encourage le gouvernement de Bucarest à faciliter les investissements et signale la concurrence des anciens pays du rideau de fer dans le contexte de la guerre en Ukraine. « Les Polonais, les Tchèques et les Hongrois ont créé des agences spécialisées dans les investissements étrangers, affirme Alex Milcev, le chef du département d’assistance fiscale et juridique d’Ernst & Young en Roumanie. Dans le contexte de la guerre, de plus en plus de multinationales quittent la Russie. C’est une nouvelle tendance qui veut dire que des milliards d’euros vont être déménagés. Où vont-ils être déménagés ? Il suffit de regarder une carte. Ce sera en Roumanie, en Pologne, un peu dans les pays baltes et peut-être en Hongrie et en Slovaquie. »

La Roumanie, qui a soutenu l’Ukraine de manière inconditionnelle depuis le début de la guerre, compte attirer une bonne partie des investissements qui vont quitter la Russie. Le déménagement de Nokian en Roumanie est un exemple de ce phénomène de migration des capitaux. « Avec son usine de pneus avec zéro émission de CO2, Nokian compte sur une production de six millions de pneus par an et 500 emplois. En 2022 les investissements étrangers ont affiché une hausse de 46 pour cent », selon le chef du gouvernement roumain.

Selon les experts, la reconstruction de l’Ukraine devrait prendre une dizaine d’années. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a évalué les pertes économiques causées par l’invasion russe à 600 milliards d’euros. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement table cette année sur une contraction massive de trente pour cent de l’économie ukrainienne. Dans le contexte de la guerre, l’Ukraine a entamé des démarches pour déposer sa candidature à l’UE, laquelle a été acceptée, et aspire à intégrer l’Otan. La Roumanie, la Pologne et les pays baltes comptent jouer un rôle important dans la reconstruction de l’Ukraine. Un pari qui semble pour l’instant jouer en leur faveur.

Mirel Bran
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