« Patate chaude »

d'Lëtzebuerger Land vom 19.09.2025

« Ils veulent nous refiler la patate chaude. » Jeudi matin, Xavier Bettel (DP) s’énerve au micro de RTL Radio. « Deux semaines après avoir pris sa décision, sans consulter le gouvernement au préalable », la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) sollicite « un avis » du ministère des Affaires étrangères, s’offusque Bettel. Le vice-Premier ministre rappelle que la CSSF est « indépendante » et que lui revient « la responsabilité » de la validation le 1er septembre du prospectus des obligations d’Israël qui permettent leur commercialisation en Europe, et donc de financer la guerre menée par le gouvernement Netanyahu à Gaza. « On n’a rien à dire à ce sujet. Ils (à la CSSF, ndlr) savent que l’UE prépare (des sanctions, ndlr), que le gouvernement en prépare, ils savent aussi qu’à La Haye, il y a un procès pour génocide », a asséné le ministre libéral. Selon le directeur général de la CSSF, Claude Marx, entendu mardi en commission parlementaire, seules des sanctions visant Israël lui auraient permis de refuser de valider le prospectus. Ses services auraient en outre « fait une analyse en interne concluant encore qu’à ce stade Israël ne serait pas rendu coupable d’avoir violé la Convention de 1948 sur le génocide et n’aurait pas non plus été jugé par la Cour internationale de justice », est-il écrit sur chd.lu.

Mardi à 17 heures dans un communiqué assez inhabituel, les services de Xavier Bettel avaient pris leurs distances vis-à-vis du régulateur financier. Le MAE a « pris note de la lettre de la datée du 15 septembre et reçue le 16 septembre ». « Dans cette lettre, la CSSF, autorité indépendante, sollicite un avis concernant sa décision prise le 1er septembre 2025, sans avoir préalablement consulté le MAE ». Il concluait en publiant la réponse du régulateur aux médias au début du mois : « L’examen par la CSSF de ce prospectus de base en vue de son approbation s’est fait conformément à la règlementation européenne (…) qui se limite à déterminer si les informations figurant dans le prospectus sont complètes, cohérentes et compréhensibles ». Xavier Bettel doit poser la « patate chaude » sur la table du conseil de gouvernement ce vendredi matin.

Autre sujet potentiel de discorde : les sanctions. Sam Tanson (Déi Gréng) explique au Land, qu’en commission lundi, Xavier Bettel a fait part de la volonté du gouvernement d’élaborer un cadre légal qui permettrait à l’État luxembourgeois de bénéficier d’une autonomie en matière de sanctions financières, et donc de ne plus dépendre des décisions de l’UE ou des Nations unies comme c’est le cas actuellement. Assis à côté, le Premier ministre n’a dit mot. Mais a-t-il consenti ? Dans les colonnes du Wort le lendemain, Luc Frieden (CSV) dira le contraire : « Wir müssen das immer auf europäischer Ebene machen. » Or à Bruxelles mercredi, la Commission européenne a proposé des mesures restrictives contre les ministres Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir du gouvernement Netanyahu… des propositions vaines puisque l’unanimité est requise et que trop d’États, dont l’Allemagne et l’Italie, s’y opposent encore fermement. Comme ils risquent de s’opposer à une levée partielle et temporaire des facilitations commerciales avec Israël. Mais cette proposition ne requiert que la majorité qualifiée. Face au Land, les services de Xavier Bettel disent que « le Luxembourg salue ces initiatives ». Mais sur 100,7 jeudi matin, le responsable de la politique étrangère à la fraction CSV, Laurent Zeimet, compare cette pression commerciale pour faire cesser le massacre à Gaza au « kauft nicht bei Juden » des nazis. Mardi prochain à New York, le Premier ministre et le vice-Premier ministre doivent reconnaître la Palestine dans un élan international en faveur de la solution à deux États.

Pierre Sorlut
© 2025 d’Lëtzebuerger Land