Quinze ans après…

d'Lëtzebuerger Land du 24.10.2025

Quinze ans après avoir été saisie, la justice luxembourgeoise livre son verdict. Trois membres de l’ancienne direction de la défunte banque islandaise Kaupthing ont été condamnés mercredi pour faux, usage de faux, abus de biens sociaux et blanchiment. Le managing director de la filiale luxembourgeoise, Magnus Gudmundsson, le directeur général du groupe, Hreidar Sigurdsson, et le directeur « marché financiers », Gabriel Rindone, écopent chacun de 75 000 euros de confiscation ou d’amende. Ce jeudi, le parquet n’avait pas encore pu produire de copie anonymisée de la décision. Un communiqué résume le dossier et fait référence à « plusieurs opérations financières réalisées » frauduleusement dans les jours qui ont précédé le sursis de paiement de la filiale luxembourgeoise, en octobre 2008, dans le sillon de la faillite de la maison-mère islandaise. « L’enquête a mis en évidence que ces opérations avaient permis à certains anciens dirigeants de droit et de fait de Kaupthing Luxembourg de se défaire, dans un contexte de panique bancaire, de titres illiquides ou fortement dépréciés, au moyen de mécanismes internes financés par la maison-mère islandaise », écrit l’administration judiciaire. Ils avaient ensuite maquillé les transactions ex-post en antidatant la documentation interne de ces transactions qui avaient été opérées via une société offshore, Lindsor holding corporation.

« Après plus de quatorze années de procédure, marquées par une coopération exemplaire entre les autorités luxembourgeoises et islandaises, les trois prévenus ont accepté de (finalement, ndlr) reconnaître leur culpabilité dans le cadre d’un jugement sur accord conclu avec le Ministère public », se félicite l’administration judiciaire. Celle-ci parle d’un « terme définitif à une affaire particulièrement complexe, ayant comporté de nombreuses commissions rogatoires internationales et un important travail d’analyse financière ».

Le parquet cite comme point de départ « des dénonciations » opérées en avril 2010 par la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF). Le régulateur luxembourgeois avait en fait lui-même été informé des faits dès le 22 janvier de la même année par son homologue islandais, la FME. Dans ce courrier de quatorze pages encore disponible en ligne sont recensées les transactions ayant profité aux trois inculpés, mais aussi celles opérées par d’autres employés… au détriment de la banque et de ses créanciers. En 2009, après la déconfiture Kaupthing, Magnus Gudmundsson avait co-dirigé la « good bank » lui ayant survécu, Banque Havilland. À son inauguration, il avait ainsi diné à la même table que le ministre des Finances de l’époque, Luc Frieden (CSV), lequel avait participé au sauvetage. L’Islandais et son compatriote, Hreidar Sigurdsson, ont été rattrapés par la patrouille en 2010. En 2013, ils ont été respectivement condamnés en Islande à trois et cinq ans de prison pour une manipulation de marché impliquant (à ses dépens, selon lui) le Cheikh qatari Mohammed Bin Khalifa Al Thani. La BCE a elle retiré l’agrément de Banque Havilland à l’été 2024 après plusieurs sanctions réglementaires.

Pierre Sorlut
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