Comptes tiers

Crochet du droit envoyé à l'Ordre

d'Lëtzebuerger Land du 11.04.2002

Me Gaston Vogel vient de remporter un round contre l'Ordre des avocats du barreau de Luxembourg en obtenant l'annulation par le Tribunal administratif de certains changements récents en matière de maniement des fonds de tiers par les avocats (voir d'Land du 8 mars 2002). 

Une défaite qui n'a en revanche ébranlé ni l'autorité ni l'indépendance de l'institution comme l'avait craint son représentant, Me Dean Spielmann. Car Me Vogel avait mis en doute la prérogative fondamentale du Conseil de l'ordre de pouvoir prendre des règlements. Celui-ci ne pourrait se substituer au Grand-Duc, seul habilité par la Constitution à prendre des mesures pour l'exécution des lois, tel était son credo. Le Tribunal administratif a donc tranché lundi : le Conseil de l'ordre doit se limiter à réglementer la profession, sans toucher aux droits des tiers, les clients d'avocats par exemple. « Les dispositions attaquées, loin d'arrêter des mesures réglementaires internes au barreau, ont des répercussions en-dehors des membres de la profession en ce qu'elles sont de nature à affecter les droits et obligations des tiers. »

Première visée, l'obligation pour l'avocat d'ouvrir exclusivement les comptes de tiers auprès d'établissements financiers qui ont été agréés par l'Ordre des avocats. C'est pour le Tribunal une entrave aux droits des clients et de leurs avocats qui n'auraient pas le choix de désigner une autre banque qui leur conviendrait. Il n'est pas d'accord non plus avec la prérogative que s'est octroyée le Conseil de pouvoir s'occuper de l'ouverture et du fonctionnement de ces comptes. 

Me Vogel avait aussi fulminé contre le fait que les intérêts générés par ces dépôts devaient dorénavant être versés à l'Ordre des avocats. Le Tribunal lui a donné raison, car cette disposition « affecte à son tour les droits des tiers en ce qu'il dispose de l'intérêt net créditeur produit par le compte tiers, alors même que les règles légales relatives au mandat, sinon à tout le moins les conventions conclues entre le mandant et le mandataire peuvent conférer au contractant non avocat un droit sur cet intérêt ». 

Encore faudrait-il que les avocats versent effectivement cet argent à leurs clients - le bâtonnier Pierre Thielen réitère le fait qu'il est en pratique impossible de déterminer le montant des intérêts dus aux différents clients. Il ajoute qu'il existe des brebis galeuses dans la profession qui essaient de s'enrichir en faisant fructifier l'argent de leurs clients et en empochant les intérêts. « C'est pour éviter des dérapages que ces décisions avaient été prises. Il ne s'agit pas en premier lieu de remplir les caisses de l'Ordre des avocats comme on nous le reproche souvent. » 

L'Ordre des avocats a quarante jours pour interjeter appel, une décision devrait être prise mercredi prochain. Me Pierre Thielen envisage la possibilité de changer purement et simplement les articles concernés du règlement : accorder le libre choix aux avocats et à leurs clients de désigner une banque et renoncer à la collecte des intérêts générés par le transit de l'argent. Il sera toujours possible d'augmenter les cotisations. 

 

anne heniqui
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