Michielsen, Joeri: The 'nazification' and 'denazification' of the courts...

Décevant

d'Lëtzebuerger Land du 10.03.2005

Les thèses en sciences sociales portant sur le Luxembourg sont plutôt rares. Qu’un chercheur étranger s’intéresse à notre petit pays est encore plus exceptionnel. C'est donc avec une certaine impatience que je me suis plongé dans cet ouvrage portant sur la justice pendant la Deuxième Guerre mondiale en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Dans sa thèse en droit réalisée à l'université de Maastricht, Joeri Michielsen se pose, dans une approche comparative, la question de savoir comment les appareils judiciaires se sont comportés face à l'occupant entre 1940 et 1944. Son hypothèse de départ est la suivante : "the courts positivist attitude towards legal measures made it impossible to resist being a mere executive tool for the policies of the occupant or the government returning from exile" (p. 2). Le questionnement ne fait déjà pas preuve d'une grande originalité si on le confronte avec l'historiographie française récente sur le sujet. Avant d'aborder le cas plus précis du Luxembourg, restons dans l'optique plus large choisie par l'auteur. En passant en revue les trois pays, Michielsen se livre à une description fastidieuse des principaux événements sans qu'on ne voie une véritable ligne directrice, si ce n'est la chronologie. La base archivistique de l'auteur est d'ailleurs limitée. Michielsen souligne que la Belgique s'oppose très vite à l'occupant, justement en poursuivant une politique très "positiviste" au niveau juridique. Les Pays-Bas par contre se lancent rapidement dans une politique d'accomplissement qui convient parfaitement aux Allemands. C'est un topos désormais bien établi par plusieurs études comparatives entre les deux pays, études que le juriste ne semble d'ailleurs pas connaître. On se demande d'ailleurs pourquoi Michielsen a intégré le Luxembourg dans son étude. Dès le début, il affirme en effet que la comparaison avec le Grand-Duché n'est pas possible vu sa situation particulière. En effet, l'administration civile allemande a créé une situation qui enlève toute indépendance à l'appareil judiciaire. Ce qui l'étonne par rapport aux pays voisins est l'absence de protestations officielles des magistrats luxembourgeois. Était-ce dû à une opposition moins prononcée au début de l'occupation, lorsque les Allemands lançaient leur politique ou est-ce qu'il y a d'autres raisons? Quoi qu'il en soit, le monde judiciaire luxembourgeois est vite épuré par les nazis: à la mi-1941, seulement vingt pour cent des juges sont encore à leur poste, les autres ont été évincés. Comme l'écrit le juriste néerlandais: "The occupant's attempt to integrate Luxembourg courts into the German court system succeeded, but his attempt to nazify the Luxembourg judges fails." Si ces conclusions sont certes intéressantes, elles ne sont guère novatrices, Paul Dostert étant arrivé aux mêmes résultats il y a 25 ans déjà. Plus encore que pour la Belgique, les connaissances de Michielsen sur le Luxembourg restent lacunaires. Un seul exemple: la Personenstandsaufnahme d'octobre 1941 est qualifiée par le terme de référendum - pour un étranger le régime d'occupation doit ressembler à la démocratie helvétique - un référendum où 96 pour cent des Luxembourgeois auraient voté en faveur de leur pays. En plus d'une méconnaissance de la littérature existante, l'auteur était de surcroît confronté à un autre problème, problème qui ressort d'autant plus clairement lorsqu'on compare la situation existant dans notre pays avec celles valables en Belgique et aux Pays-Bas. Que les Néerlandais aient une politique particulièrement libérale en ce qui concerne les archives, surtout pour cette période de leur histoire, est bien connu. En Belgique, la situation est déjà beaucoup moins bonne. Mais au Grand-Duché, elle empêche l'analyse scientifique. L'auteur s'est vu refuser l'accès à plusieurs fonds d'archives ouverts dans les autres pays. Le secret bancaire semble avoir une petite soeur au Luxembourg: le secret archivistique.

Joeri Michielsen: The 'nazification' and 'denazification' of the courts in Belgium, Luxembourg and The Netherlands, Maastricht, 2004, 391 p., 39,50 euros; www.mosalibris.nl.

 

Benoît Majerus
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