GridX, le gigantesque projet de Giorgetti le long de l’A4, peut compter sur l’appui de la main publique. Yuriko Backes (DP) se montre encline à y construire un arrêt du tram rapide, arrêt que son prédécesseur vert avait encore refusé. Ce lundi, Claude Meisch (DP) a confirmé la venue d’un nouveau locataire chez GridX : l’École d’hôtellerie et de tourisme (EHTL) y implantera une antenne provisoire (neuf ans, a priori). Face au Land, le directeur de l’ETHL, Michel Lanners, revendique la paternité de l’idée, qui serait née « Owes beim Patt » avec les fondateurs de GridX. Le loyer annuel sera de 1,6 million d’euros, le coût des installations, notamment des cuisines professionnelles et d’un restaurant d’application, est budgétisé à 28 millions d’euros. (Une partie du matériel pourrait être réutilisée, a tenté de rassurer le ministre ce lundi.) Au total, l’ardoise dépassera les 42 millions. « Une somme impressionnante », concède Michel Lanners. Et d’ajouter : « Ce n’est pas une gestion efficiente des deniers publics, je l’ai d’ailleurs dit à de nombreux endroits ». Mais le groupe Giorgetti se serait montré « flexible, efficace et accessible ».
La nécessité de doter l’École hôtelière d’une antenne au Sud du pays ne fait pas de doute. Claude Meisch le rappelle face au Land : Un élève se rendant de Differdange à l’ETH de Diekirch doit prendre le train de 6h02 s’il veut être sûr d’arriver à l’heure pour ses cours. Comme deuxième campus de l’École hôtelière, le château de Sanem a été choisi en 2021. Or, rien ne bouge sur le terrain. L’Institut national de recherches archéologiques aurait mis quatre ans pour écrire son avis, dit Lanners, qui qualifie ce délai d’« inacceptable ». En attendant, il a fallu trouver une solution. « L’État loue à de nombreux endroits », relativise Claude Meisch. Il aurait agi « dans l’intérêt du ministère de l’Éducation », saisissant « une opportunité » qui permette d’accueillir rapidement 200 élèves. Même si, en tant que ministre de l’Aménagement du territoire, il aurait peut-être préféré d’autres emplacements. « À l’époque, je ne voulais pas qu’on construise à Wickrange. Je ne voulais pas d’un deuxième Foetz. » Mais sur le terrain, d’autres réalités auraient été créées.
Entre 2008 et 2010, le gouvernement CSV-LSAP (mobilisant la Spuerkeess pour l’occasion) poussait le promoteur Guy Rollinger à abandonner son projet de centre commercial à Wickrange. C’est que sept kilomètres plus loin, à Livange, Flavio Becca projetait de construire un stade de foot national, adossé à un gigantesque « outlet center », un projet en partenariat public-privé, déclaré « d’importance nationale » par le gouvernement. De cette guerre entre deux promoteurs, doublée d’un imbroglio politique, un troisième sortira vainqueur. En novembre 2012, le groupe Giorgetti rachète discrètement les parts à Guy Rollinger dans le projet de Wickrange. À l’époque, le député Claude Meisch menait une opposition féroce dans le dossier Wickrange-Livange. Aujourd’hui, le ministre Claude Meisch donne un coup de pouce discret au nouveau projet de Wickrange, qui ouvrira ses portes en juillet.
À 200 millions d’euros, GridX est un gigantesque monument à l’anthropocène. Il y a quelques années encore, le projet semblait anachronique. Aujourd’hui, il paraît parfaitement en phase avec le backlash écologique. Construit autour d’un parking de 1 500 places, le site célèbre la voiture comme Statussymbol. On veut s’adresser à une « exclusive car community », avec des concessionnaires (notamment de Bentley et de Merbag), un car wash « d’une envergure non égale au Luxembourg, opéré par Petro-Center » (jubile Paperjam), une auto-école et « des services de conciergerie » pour l’automobile. GridX accueillera aussi les bureaux de TotalEnergies. La chaîne de musées souabe Motorworld y aura des halles d’exposition, tout comme le Museo Nazionale dell’Automobile de Turin. À côté de cette très large place donnée à l’automobile, le projet GridX hébergera également quelques commerces, l’obligatoire « food court », deux résidences (baptisées Monza et Daytona), un hôtel à 130 lits, ainsi que des salles dédiées à l’événementiel et au « team building ». Deux vendeurs de vélos et de mobylettes électriques sont également prévus. Ils pourront être considérés comme compensation carbone.
La brochure de promotion cherche des euphémismes pour décrire le tout-automobile qui règne au Grand-Duché : « Mobility is deeply intertwined with lifestyle in Luxembourg, creating a distinctive mindset ». Plus loin, on note que « Luxembourg has the highest car density in Europe. […] 66% of the 4,6 million daily trips recorded in Luxembourg and the Greater-Region are made by car ». Le matériel de promotion de GridX est tellement dithyrambique que cela en devient comique. « Welcome to the exceptional », lit-on en ouverture de la brochure. « GridX isn’t just a place; it’s a whole new dimension of living. » Le bourgmestre de Reckange-sur-Mess, Carlo Muller, avait déclaré dès 2012 ne pas vouloir de logements « im großen Stil » sur le site. En novembre 2021, le maire réitérait ses lignes rouges au Wort : Surtout « keine Industrie » ; « wichtig ist, dass es saubere Arbeitsplätze sind ».