Maria Teresa comme Harry Potter

d'Lëtzebuerger Land vom 26.11.2021

« Un pour ma maman, un pour mon fils et un pour sa marraine. » Laurence tient trois exemplaires de Un amour souverain dans ses bras. Arborant un masque « Moien », flanqué d’un Roude Léiw, la dame, accompagnée de son fils de neuf ans, patiente la librairie Ernster au centre-ville. Elle brigue une dédicace de ses livres par la Grande-Duchesse Maria Teresa et Stéphane Bern, les auteurs. Cette Française est « amoureuse » du Luxembourg où elle vit depuis dix ans. Elle s’attache à tout ce qui symbolise son pays d’adoption, la Cour Grand-Ducale en tête. « Ce livre raconte d’abord une histoire d’amour pour un homme, puis pour un pays. Je trouve ça très beau. » Plus loin, un groupe de trois jeunes femmes font des photos : « C’est une surprise pour notre amie, qui adore tout ce qui concerne les rois et les reines », explique l’une. L’amie en question, Morgane, 26 ans, rougit un peu et acquiesce : « Je leur avais dit que je voulais m’offrir le livre… Elles m’ont amenée ici sans que je sache pourquoi. Je suis émue et excitée de savoir que je vais rencontrer une tête couronnée. »

Comme elles, des centaines de personnes n’ont pas hésité à faire plusieurs heures de queue, samedi après-midi. La première est arrivée à 13h, soit deux heures avant l’ouverture de la séance de dédicace et « dès 13h30, il y a avait une dizaine de clients », relate Paul Ernster, en charge du développement du groupe. Au bout de la journée, 150 livres ont été vendus, mais beaucoup l’avaient acheté avant : « c’est un best seller depuis sa sortie, il y a à peine dix jours ». On peut ainsi considérer que pas loin de 300 personnes ont fait signer leur livre. « En général, pour une dédicace, il y a entre vingt et cinquante clients. La seule fois où on a eu autant de monde, c’est pour la sortie du troisième tome d’Harry Potter », s’étonne-t-il, tout en constatant que les clients d’un samedi habituel faisaient défaut et que moins de livres ont été vendus dans les autres rayons… sauf ceux de Stéphane Bern. Il ne faut pas minimiser l’impact du chroniqueur mondain sur la foule, d’ailleurs très francophone. « Moi je suis venue pour Stéphane Bern, j’adore ses émissions », « J’ai acheté plusieurs livres, surtout quand il parle du Luxembourg ». « Son attachement à la Cour Grand-Ducale fait plaisir à voir », entend-on ça et là.

Les auteurs ont finalement presté des heures supplémentaires, en restant jusqu’à 18h20, pour ne laisser personne sur le carreau. Il faut dire que, l’heure tournant, certains étaient inquiets : « vous croyez qu’ils vont nous laisser entrer ? J’attends depuis plus d’une heure, je serai vraiment déçu de ne pas les voir », demandait Cédric, engoncé dans sa parka pour affronter l’attente à l’extérieur. Car pour beaucoup, faire signer son livre n’est qu’un prétexte : « voir une personne royale de près, c’est quand même pas tous les jours », s’émeut Nathalie ; « Je suis impatiente de voir la Grande-Duchesse en vrai et d’échanger quelques mots avec elle », glousse Manuel ; « Je n’ai jamais fait la file pour qui que ce soit, mais là, c’est une occasion unique de rencontrer notre souveraine », ajoute Marie-Catherine. L’âge d’être grand-mère, cette Luxembourgeoise tient à saluer celle « qui fait beaucoup pour les femmes et qui est proche du peuple ». Une attitude que d’autres soulignent également : « Elle est plus engagée, plus accessible, plus ouverte, plus chaleureuse que d’autres personnes régnantes. C’est peut-être lié à ses origines latines. En tout cas, ce n’est pas sa belle-mère qui aurait fait ça », s’amuse Christophe, un Luxembourgeois qui vit à l’étranger. « Je suis d’ailleurs étonné que le protocole la laisse faire. » La librairie, qui vient de se voir accorder le titre de « fournisseur de la Cour », précise qu’il ne s’agit nullement d’un événement officiel, lié à la Maison du Grand-Duc, et que Maria-Teresa est là à titre personnel, comme autrice du livre. À part un homme (en civil) qui assure discrètement sa sécurité, point de protocole en effet.

Arrivés au deuxième étage de la librairie, les admirateurs patients découvrent Maria Teresa et Stéphane Bern assis, à côté d’une pile de livres, derrière un Plexiglas, et ne portant pas de masque. Sans doute pour laisser voir leur sourire, parfois un peu figé, parfois un peu las, mais avec une attention continue. Les deux se plient au jeu sans devenir mécaniques, avec un mot pour chacun. Une remarque sur un prénom original (« Koen, c’est Flamand ? »), une photo, une petite anecdote familiale (le « moi aussi j’ai rencontré mon mari en Suisse », déclenche un éclat de rire), une photo, un commentaire sur la météo (« je sais que vous avez attendu longtemps, heureusement qu’il ne pleut pas »), une photo, la reconnaissance d’une personne (« ah mais oui, je lis vos commentaires sur mon Instagram »), une photo… au suivant !

France Clarinval
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