Caroline von Reden, nouvelle recrue

d'Lëtzebuerger Land vom 13.10.2023

Née en 1979 à Munich au sein d’une famille nombreuse, Caroline von Reden est la toute nouvelle directrice stratégique de la Luxembourg Art Week. Fraîchement recrutée en juin dernier, cinq mois seulement avant le lancement des festivités de la prochaine édition, son profil est à l’image d’un secteur complexe, en prise avec de multiples enjeux et secteurs économiques. Car, n’en déplaisent aux puristes qui croient que l’art se réduit à un jeu de formes et de subjectivités créatrices, le but d’une foire est avant tout de vendre des œuvres… Commerce d’œuvres qui, en retour, permet de faire vivre des artistes, des galeries, des institutions culturelles, et de faire émerger une scène d’art contemporain qui peinait à s’imposer au Grand-Duché il y a quelques années encore.

Entre communication, marketing et ingénierie culturelle, la formation et la trajectoire professionnelle de la Bavaroise aux yeux perçants est le reflet de ces mutations. Après avoir débuté dans les médias digitaux à la fin des années 1990 (elle se destinait initialement au journalisme), elle intègre une start-up au sein d’une chaîne de télévision où elle s’initie au marketing. Mais « faire de l’argent avec de la pub », selon ses propres termes, l’ennuie profondément. Ce qui précipite son choix de quitter le secteur des médias et du marketing pour s’orienter finalement vers le management culturel. Elle débute cette nouvelle vocation à Freiburg, puis à Cologne et Berlin, où elle mène notamment un projet d’art contemporain au sein d’un parc de sculptures et développe un projet avec le photographe Thomas Demand. Son champ d’expertise est pour le moins large : du management de collection auquel elle s’initie à la galerie Max Mayer de Düsseldorf à l’élaboration conceptuelle de la performance I Would Prefer Not to de Sandra Hauser, parmi bien d’autres projets, Caroline von Reden maîtrise toutes les facettes du travail autour de l’exposition (presse, marketing, gestion des collections, curation…) et sait donner du poids aux artistes. Spécialisée dans le développement de plateformes artistiques (foires, clubs, projets coopératifs), elle a par ailleurs œuvré en faveur de la restitution des œuvres d’art africaines pour la fondation Sinkika Dokolo. Un parcours principalement européen entre l’Allemagne, l’Autriche (Viennacontemporary) et la Belgique dont les réseaux constitués à chacune de ces occasions serviront les ambitions internationales de la Luxembourg Art Week.

Caroline von Reden est issue d’une famille de collectionneurs et a suivi une formation en histoire de l’art. Sa période de prédilection s’étend des Eighties à aujourd’hui. On y trouve de nombreux peintres allemands et autrichiens ayant renoué avec la figuration, comme le groupe Mülheimer Freiheit-Junge Wilde constitué à partir de la rencontre entre Walter Dahn et Jiří Georg Dokoupil à la fin des années 1970. Mais aussi Martin Kippenberger ou encore la déroutante Rosemarie Trocken, elle-aussi issue de la scène de Cologne. Plus récemment, elle s’est éprise des installations du Suédois Jonas Lund, du performer et plasticien Noah Latif ou du travail de Sophie Gogl, dont l’œuvre peint interroge la féminité à l’aune des représentations patriarcales…

Tout en ayant acquis en Allemagne une solide expérience en tant que consultante dans le management artistique, Caroline von Reden loue un art nécessairement politique et disposant d’une conscience éthique à l’égard de la société civile. Ce qui ne l’empêche pas d’être attentive aux nouvelles technologies en souhaitant accueillir des productions de type NFT et en donnant à l’avenir une place plus grande à l’intelligence artificielle et aux crypto-monnaies. Un débat leur sera d’ailleurs consacré au Mudam le 8 novembre prochain, parmi un programme de conférences qui se tiendra pendant la Foire. Pour rappel, plus de 80 exposants sont attendus durant trois jours de festivités (10-12 novembre).

Reding et Reden, ça claque bien à l’oreille : un vrai duo de choc formé entre le CEO et sa directrice stratégique. On trouve de part et d’autre un dévouement total à leurs professions, un esprit alerte, en ébullition permanente, infatigable et non dépourvu d’humour. Le business n’attend pas. Caroline von Reden est, elle aussi, une femme pressée ; quand son téléphone ne bipe pas, elle est continuellement sur la route, de foire en foire, de galerie en galerie, de collectionneur en collectionneur… Comment s’organise le travail entre ces deux fortes personnalités ? « Alex, que je connaissais auparavant sur le marché de l’art et que j’ai rencontré par l’intermédiaire d’un artiste, est disponible en cas de problème ou de doute ; il me conseille, livre des orientations générales et facilite les choses », répond-elle simplement. Dès son arrivée, elle a élargi l’équipe qui comprend aujourd’hui trois salariées de plus. Celle qui était coordinatrice des programmes pour Esch2022, Mélanie de Jamblinne a rejoint l’équipe de la Luxembourg Art Week, suivie de Ludovica Fionda pour la partie programme et production et de Yao Tong sur la partie presse. Caroline von Reden s’efforcera de favoriser l’ancrage de la foire dans le pays, ce qui passera par un développement accru des relations avec les partenaires culturels et financiers du Grand-Duché. La conception d’un circuit de sculptures dans les différents quartiers de la ville renforce aussi la visibilité de l’événement pour le grand public. L’idée qu’elle a défendue lors de son recrutement est de faire de la Luxembourg Art Week une plateforme ouverte sur le paysage luxembourgeois, en interaction continue avec celui-ci, au-delà de la seule tenue de l’événement au mois de novembre. L’inscrire dans le temps, afin de l’identifier sur le long terme au sein de l’écosystème luxembourgeois en recourant, pour cela, à de multiples formes possibles tout au long de l’année (conférences, performances, etc.). C’est donc un vaste chantier auquel va se confronter ces prochaines années Caroline von Reden, épaulée par une équipe élargie.

Loïc Millot
© 2023 d’Lëtzebuerger Land