Théâtres de la Ville de Luxembourg, programme « Danse »

Une programmation garnie et fleurie

d'Lëtzebuerger Land du 30.08.2019

Dix-neuf spectacles sont à l’affiche du programme « Danse » de la saison 2019-2020 des Théâtres de la Ville de Luxembourg. Une programmation garnie et fleurie, nous laissant tout juste le temps de crier hourra entre deux spectacles, ou quand l’un se finit sur scène, l’autre a déjà commencé à occuper notre esprit. Mettant à l’honneur des compagnies exultant en Europe et pour certaines dans le monde, cette année, les Théâtres de la Ville livrent côté danse autant de diversité que d’audace. De plus, dans sa dizaine de productions et coproductions signées, l’institution trouve également – et bien heureusement – quelques créneaux pour certains chorégraphes nationaux ou basés au Grand Duché, à l’image de projets tenus par les Luxembourgeois Jean Guillaume Weis, Simone Mousset, Annick Pütz ou encore le duo belgo-portugais Baptiste Hilbert & Catarina Barbosa.

En prenant du recul face à cette programmation Danse qu’affichent les Théâtres de la Ville, au large se décline une belle idée : celle de confondre les genres et traditions, en faisant appel à des chorégraphes et compagnies aux personnalités, cultures et influences très différentes.

Aussi, quand en ouverture, le Luxembourgeois Jean-Guillaume Weis accompagne l’Italien Mauro Astolfi pour s’emparer de l’univers de Vivaldi dans Vivaldi Variations – porté par la compagnie de danse, la Spellbound Contemporary Ballet, et les musiciens de l’Orchestre de Chambre du Luxembourg –, d’entrée, le ton est donné. C’est une mixité de visions qui vont, semble-t-il, s’entremêler cette année sur les scènes du Grand Théâtre.

La dynamique qu’offre d’ailleurs la programmation sur le mois d’octobre confirme ces aspirations, entre l’inflexion hip-hop que montre le Brésilien Bruno Beltrão dans Inoah, et la fusion du traditionnel Kathak indien avec la danse contemporaine qu’opère le chorégraphe britannique Akram Khan dans son solo narratif Xenos.

On trouve alors dans cette programmation Danse 2019-2020, autant de styles mêlés que d’histoires racontées et de nationalités pour les faire entendre. Une ligne qui rappelle justement le travail de la compagnie de danse Acosta Danza de la Havane, fondée par le danseur Étoile cubain Carlos Acosta, qui, dans leur programme de la fin novembre au Grand Théâtre, propose quatre histoires chorégraphiques partagées entre virtuosité et élégance.

Cette saison affiche aussi des spectacles ancrés dans des partis pris plus modernistes, voire expérimentaux, pourtant presque trop peu présents, regrette-t-on. À l’image de l’hypnotique Elektrik de la franco-espagnole Blanca Li, affutant une atmosphère urbaine sur de la musique électro, de l’énergique Paraíso – colecção privada de la Capverdienne Marlene Monteiro Freitas, couplant drôlerie et étrange, et le pluridisciplinaire TrapTown du Belge Wim Vandekeybus et sa compagnie Ultima Vez – qu’on ne présente plus – ouvrant, comme à son habitude, à une prose chorégraphique utilisant la danse, le film, le texte et la musique.

S’en suit, de mars à mai, le féministe et inspirant Distopia de l’Espagnole Patricia Guerrero, un concept monté en 2018 sur les affections prononcées de la chorégraphe pour une réinterprétation du Flamenco ; Message in a Bottle signé par Kate Prince et basé sur certaines des titres phares de l’immense Sting, mélangeant les styles pour de vivifiants contrastes, un spectacle apparemment familial qui effraie de son kitch potentiel ; Kirina du Burkinabé Serge Aimé Coulibaly, entre une ode aux traditions musicales et chorégraphiques africaines et un pamphlet pré-colonialiste qu’on espère hors radotage ; et enfin, la poésie en mouvement du Nederland Dans Theater, dans un programme de deux pièces, encore non défini – dommage –, tenues par le chorégraphe allemand Marco Goecke et le Suédois Alexander Ekman.

Côté coproductions et productions, les Théâtres de la Ville ont cette année sous leur bienveillance neuf spectacles, dont quatre tenus par des chorégraphes luxembourgeois. Et c’est sûrement là que cette saison ravie le plus.

Entrant dans ce brassage culturel et traditionnel, le duo Session que tiennent hors et sur scène, l’Irlandais Colin Dunne et le flamand-marocain Sidi Larbi Cherkaoui, marque véritablement cette ligne de programmation jusqu’alors décrite. Des arts martiaux au jazz, en passant par le hip-hop, la contemporanéité de ce spectacle, abordant les notions de nationalités et de langues, crépite et se démarque dans cette décennie de créations, trop souvent attirées par des versions old-school du contemporain. Un spectacle inattendu très attendu.

La scène britannique est d’ailleurs vivement représentée cette année, avec les coproductions des Théâtres de la Ville sur le New Work (2020) de Michaël Clark, présenté en première mondiale au Grand Théâtre en février prochain, poursuivant la trilogie autobiographique de Clark ; et sur le Enter Achilles de Lloyd Newson et le DV8 Physical Theatre, une reprise 25 ans après du classique de Newson en collaboration avec la compagnie Rambert.

Deux temps forts vont à coup sûr marquer les esprits cette année, pour le génie de leur tenancier mais aussi la force immersive qu’ils transportent : Zeitigung de la chorégraphe Anne Teresa De Keers-
maeker et du pianiste Alain Franco et Marry Me In Basiani des Français du collectif (La)Horde. Les premiers livrant un remastering dix ans après de leur excellent Zeitigung, accompagné cette fois du danseur et chorégraphe belge Louis Nam Le Van Ho, pour trouver une relecture à trois voix de la pièce d’origine. Les seconds – qu’il nous tarde de découvrir – fleuron d’une génération de créateurs proche du tout écran et du mélange des disciplines que sont le théâtre, le cinéma, la danse et la performance, nous font partir cette fois – après avoir occupé le champ de la Hard-Dance et du Jumpstyle des années 1990 –, dans les danses folkloriques et traditionnelles géorgiennes…

Outre le Vivaldi Varitions, mentionné plus haut, trois autres spectacles sont en signature luxembourgeoise. On retrouve ainsi la lauréate du Lëtzebuerger Danzpräis 2017 Simone Mousset avec The Passion of Andrea 2, une pièce au troisième degré dite : « burlesque » et « absurde » ; Annick Pütz & Thierry Raymond du Mierscher Kultur-haus avec R.E.F.L.E.X.E.S, regroupant des artistes avec et sans handicap pour une pièce « fenêtre sur notre monde » qui sent bon la tendresse et la joie ; et enfin, le projet Shoot the Cameraman de la Cie Awa-As We Are, tenu par Baptiste Hilbert et Catarina Barbosa, qu’on aime pour leur goût du mélange des médiums et des pratiques, mais aussi pour leur caractère instinctif. Une maigre pitance pour une scène locale, franchement vivace et pour laquelle on porte un grand respect, mais heureusement, d’autres structures battent aussi le fer pour la valoriser.

Maison-mère du spectacle vivant à Luxembourg, les Théâtres de la Ville ne peuvent pas se permettre de lésiner avec la qualité de leur programmation. Sur le papier, pour l’instant en tout cas, ça fleure bon… Reste maintenant à voir, de date en date, de scène en scène, si les ambitions de l’institution seront dans les faits aussi concluantes qu’annoncées.

Saison 2019-2020 des Théâtres de la Ville de Luxembourg, www.theatres.lu

Godefroy Gordet
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